Archéologie

Isis, une promesse d’éternité

Sept cents figures de la divinité rassemblées à Milan

Par Mauro Volpiano · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 710 mots

Sept cents objets se rapportant au culte et au mythe d’Isis à travers les siècles sont rassemblés jusqu’au 13 juillet au Palazzo Reale de Milan. De nombreux prêts de musées du monde entier évoquent la destinée, depuis l’ère pharaonique jusqu’au seuil de l’époque contemporaine, d’une divinité égyptienne devenue universelle et protéiforme. Cette exposition-événement a été organisée par la région de Lombardie et la Ville de Milan, à l’initiative du professeur Ermanno E. Arslan, directeur des recherches archéologiques et numismatiques de Milan.

Pourquoi avoir consacré une exposition entière à la déesse Isis ?
Ermanno E. Arslan : À l’origine, il s’agissait de répondre à une curiosité suscitée par le développement religieux, idéologique et culturel de l’Occident. De nombreux aspects propres aux civilisations antiques n’ont pas disparu avec leur déclin, ils ont subsisté de façon sous-jacente, affleurant de temps à autre, se transformant, s’entrecroisant et concourant enfin à former la culture de notre temps. Le mythe d’Isis en est sans aucun doute un exemple emblématique.

Le culte d’Isis a été encore plus vif dans l’Empire romain que dans l’Égypte des pharaons. Cette étonnante diffusion est-elle liée à la promesse d’une vie après la mort ?
Le culte d’Isis est en effet lié à la transcendance, mais c’est là un caractère que l’on rencontre dans presque toutes les religions orientales, entre le IIe et le IVe siècle. En réalité, cette religion s’apparentait déjà à un monothéisme : tout, dans l’existence, était assujetti au pouvoir d’Isis… Le culte isiaque est demeuré en compétition avec les autres religions orientales jusqu’au IVe siècle de notre ère, avant d’être supplanté par le christianisme. Il a alors été victime de toutes les formes de dénigrement et d’éradication que subissent les religions minoritaires.

L’exposition montre pourtant que le mythe isiaque n’en a pas disparu pour autant.
Au contraire. Quand nous sommes arrivés au terme de la préparation de l’exposition, il nous a semblé important de suggérer la persistance du mythe à travers les siècles. Très fortement implanté dans les milieux populaires, il s’est révélé difficile à extirper des traditions, notamment orales. La persistance des thèmes égyptiens est sensible durant tout le Moyen Âge, même si c’est sous une forme démoniaque, ainsi que le montrent les célèbres sorcières de Bénévent ou certains motifs ornant les chapiteaux romans. Les égyptologues eux-mêmes se sont intéressés à ces éléments issus de la tradition païenne. Cette dimension ésotérique a resurgi un peu plus tard avec l’Humanisme, puis a de nouveau joué un rôle significatif au tout début du siècle des Lumières. Il suffit de penser à l’univers maçonnique et au contexte dans lequel Mozart a créé la Flûte enchantée.

L’iconographie chrétienne de la Vierge et de l’Enfant dérive-t-elle de celle d’Isis ?
L’une des représentations les plus répandues de l’Isis de l’époque impériale est celle de la déesse allaitant son fils Horus, qui évoque en effet l’iconographie chrétienne. Aux IVe et Ve siècles, les chrétiens d’Égypte, les coptes, ont fusionné les deux représentations, païenne et chrétienne. Ce syncrétisme symbolique explique en partie les interprétations démoniaques ultérieures.

Comment ont été fixées les limites chronologiques de l’exposition ?
L’exposition prend fin au moment où commence l’égyptomanie, qui fait suite au retour de l’expédition de Bonaparte. L’étude scientifique et iconographique de la civilisation égyptienne met alors en évidence un univers tout différent de celui qu’ont perpétué des siècles de tradition occidentale.

Quels sont les aspects les plus remarquables de l’exposition, les œuvres à ne manquer à aucun prix ?
En premier lieu, la reconstitution des ensembles architecturaux, comme le temple d’Isis à Rome, qui était le plus vaste temple païen de la cité impériale. Le visiteur trouve ici une occasion unique de voir regroupées des pièces provenant d’un même site, d’ordinaire disséminées entre plusieurs musées. Beaucoup d’objets encore inédits sont également exposés, notamment des statues d’une grande beauté qui ont exercé une influence durable sur l’art ultérieur. Ces pièces proviennent de fouilles récentes ou bien dormaient dans des réserves ; pour ces dernières, il s’agit de véritables redécouvertes. Il ne faut pas non plus manquer d’admirer celles provenant de Bénévent, en Campanie, ainsi que les arts dit mineurs – gemmes, intailles et objets précieux.

ISIS, LE MYTHE, LE MYSTÈRE, LA MAGIE, jusqu’au 13 juillet, Palazzo Reale, Piazza Duomo, Milan, tél. 286 46 1394, tlj sauf lundi 9h30-18h30.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Isis, une promesse d’éternité

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