Vittoria Colonna

La muse de Michel-Ange à Vienne

Le Journal des Arts

Le 1 mars 1997 - 640 mots

À l’occasion du 450e anniversaire de la mort de Vittoria Colonna, le Kunsthistorisches Museum de Vienne consacre une exposition à la poétesse et inspiratrice de Michel-Ange, dont une quinzaine de dessins originaux sont présentés en compagnie d’œuvres de Lotto, Titien, Sebastiano del Piombo, Pontormo, Bronzino, Sansovino…

VIENNE - Après Isabelle d’Este, mécène et collectionneuse, et Sofonisba Anguissola, l’une des premières peintres, le Kunst­histo­risches Museum de Vienne poursuit son cycle consacré aux femmes célèbres de la Renaissance italienne avec la poétesse Vittoria Colonna. Nombreuses furent les femmes de cette époque qui s’adonnèrent à la poésie, jusque-là réservée aux hommes : Veronica Gambarra, Gaspara Stampa, Veronica Franco, Laura Terracina, Laura Battiferri et Tullia d’Aragon en sont les exemples les plus illustres. Certaines d’entre elles ont même été portraiturées par des peintres aussi fameux que Moretto, Moroni et Bronzino, comme le montre l’exposition. Toutefois, Vittoria Colonna occupe une place à part parmi ses contemporaines. Elle la doit notamment à son amitié avec Michel-Ange, aux dessins qu’il lui donna et à la question – légitime – de son influence sur les dernières productions à caractère religieux réalisées par l’artiste. La "divine" marquise de Pescara fut assurément la femme la plus vénérée par Michel-Ange, qui fut profondément affecté par sa mort, le 25 février 1547.

Foi inébranlable
Vittoria Colonna appartenait à la plus haute aristocratie italienne, aussi bien par son père, de la maison des Colonna, que par sa mère, apparentée aux ducs d’Urbino : son oncle était le célèbre Frédéric de Montefeltre. Mariée en grande pompe à Francesco Ferrante d’Avalos en 1509, son bonheur conjugal fut de courte durée auprès de l’illustre condottiere, surnommé plus tard "l’épée de l’Italie". Lorsque Ferrante et son père furent faits prisonniers à la bataille de Ravenne, en 1511, elle écrivit son premier grand poème, la Lettre, où se trouve évoquée pour la première fois la condition des femmes. Entré au service de l’empereur Charles Quint, l’époux de Vittoria fut l’un des artisans majeurs de la victoire de Pavie, remportée sur les Français. Il devait toutefois mourir un an plus tard des séquelles de cette bataille.

Poétesse, Vittoria conserva vivante la mémoire de son mari et de ses exploits, s’attirant par ce biais l’attention bienveillante des grands poètes d’inspiration pétrarquiste, et surtout celle de Pietro Bembo qui fut peut-être nommé cardinal grâce à son intervention. En effet, le pape Paul III la tenait en si haute estime qu’il tenait compte de ses conseils pour la nomination des cardinaux, lui permettant du même coup d’influer sur la succession au trône pontifical. Vittoria se rapprocha ainsi des cardinaux "progressistes" dont le but était d’éviter un schisme au sein de l’Église affaiblie par les enseignements de Luther et Calvin. Sa foi inébranlable et sa détermination à l’exprimer à travers la poésie jouèrent un rôle important en faveur de la Contre-Réforme et inspirèrent à Michel-Ange des œuvres religieuses qui servirent également la papauté.

Sonnets de Michel-Ange
Très introduite dans les cercles intellectuels et politiques qui patronnaient les artistes majeurs de l’époque, Vittoria Colonna commanda une Sainte Madeleine à Titien et un Noli me tangere à Michel-Ange, qui fut finalement exécuté par Pontormo. L’exposition comprend également des portraits de grands princes de l’Église, d’humanistes et de lettrés réalisés, entre autres, par Titien et Sebastiano del Piombo. Outre quinze dessins originaux de Michel-Ange, certains de ses sonnets inspirés par sa muse sont exposés : la Bibliothèque Vaticane a prêté des poésies autographes tirées de son fameux Codex, et la Casa Buonarrotti de Florence, un manuscrit. Il ne subsiste en revanche aucune poésie autographe de Vittoria Colonna, mais l’exposition présente deux volumes de poésie qu’elle fit parvenir à ses amis, le premier à Michel-Ange, le second à Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier et poétesse comme elle.

VITTORIA COLONNA, jusqu’au 25 mai, Kunsthistorisches Museum, Burgring 5, Vienne, tél. 1 525 24 403, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi 10h-21h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°34 du 1 mars 1997, avec le titre suivant : Vittoria Colonna

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