Adagp : Christie’s condamné

L’exception anglaise ne s’exporte pas en France

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 4 avril 1997 - 386 mots

Par un jugement du 15 janvier, le Tribunal de grande instance de Paris (TGI) a condamné Christie’s à verser 500 000 francs de provision à l’ADAGP et nommé un expert pour évaluer les droits de reproduction dans les catalogues diffusés par Christie’s en 1992 et 1993. Le tribunal a estimé en particulier que le Traité de Rome ne permettait pas d’exporter l’exception anglaise en France. Cette décision ne fera sans doute pas école puisque l’Assemblée nationale vient d’adopter un projet de loi exonérant les catalogues de vente publique du droit de reproduction.

PARIS - Le résultat du procès était attendu, le TGI n’ayant d’autre choix que d’appliquer la jurisprudence imposée par la Cour de Cassation dans les affaires Utrillo (Fabris C. Loudmer et Sotheby’s) mais, pour rendre leur décision, les juges ont dû tailler dans les argumentations touffues, interposées par les avocats de Christie’s. Ceux-ci avaient en effet érigé plusieurs lignes de défense, reposant pour l’essentiel sur le droit communautaire. Tout d’abord, l’action ayant été lancée contre Christie’s France et sa maison mère à Londres, les défenseurs demandaient la mise hors de cause de la filiale française, "qui ne participe à la diffusion (des catalogues) que de manière marginale et insignifiante" et n’agit que "comme mandataire" de Christie’s Londres.

Christie’s Londres posait "la question de la compatibilité de la loi française avec les articles 30 et 36 du Traité de Rome", qui prohibent les restrictions quantitatives aux échanges intracommunautaires ou les mesures d’effet équivalent, et demandait en conséquence au TGI d’interroger la Cour de Justice des Com­munautés européennes et de suspendre sa décision jusqu’à la réponse de la Cour. Relevant que les catalogues, produits et diffusés licitement en Angleterre, avaient pour unique objet l’information de sa clientèle, Christie’s contestait l’application du droit de reproduction. Ses défenseurs interrogeaient enfin le tribunal sur un éventuel abus de position dominante de l’ADAGP.

Les juges ont écarté tous ces arguments, rappelant en particulier que la propriété artistique fait partie des exceptions autorisées par l’article 36 – comme la protection des trésors nationaux –, et que l’abus de position dominante ne serait pas établie. Évacuant ainsi toute argumentation permettant de contourner en France la stricte jurisprudence établie par la Cour de Cassation, les juges du TGI ont donc renvoyé au Législateur la solution du problème des catalogues. Christie’s a fait appel.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°35 du 4 avril 1997, avec le titre suivant : Adagp : Christie’s condamné

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