Cavallini détrône Giotto

Réattributions partielles à Assise

Le Journal des Arts

Le 4 avril 1997 - 600 mots

Dans son ouvrage publié aux éditions Skira, Il cantiere di Giotto. Le storie di san Francesco ad Assisi (Les chantiers de Giotto. Les histoires de saint François à Assise), le restaurateur des Scènes de la vie de saint François, Bruno Zanardi, soutenu par l’historien de l’art Federico Zeri, auteur de l’introduction, propose de donner au peintre romain Pietro Cavallini la majeure partie du célèbre cycle de fresques de la basilique supérieure d’Assise, tradition­nellement attribué à Giotto.

ASSISE - Comme Federico Zeri et Bruno Zanardi ont tenu à le souligner, la grande nouveauté de leur hypothèse n’est pas d’avoir suggéré que le cycle des Scènes de la vie de saint François ait pu bénéficier de la collaboration d’un peintre romain – thèse déjà soutenue par plusieurs historiens de l’art, souvent de l’école anglo-saxonne –, mais d’avoir pour la première fois avancé le nom de Cavallini en mettant en évidence des analogies stylistiques et techniques entre les fresques d’Assise et les rares œuvres du peintre romain qui nous sont parvenues. Son cycle le plus important a en effet été détruit en 1832 dans le terrible incendie qui a ravagé la basilique San Paolo à Rome. Deux œuvres romaines de Cavallini offrent néanmoins des éléments de comparaison avec Assise : les mosaïques consacrées à la Vie de la Vierge à Santa Maria del Trastevere et les fresques du Jugement Dernier au couvent de Santa Cecilia. Les premières révèlent des similitudes dans la composition, tandis que le style des secondes est tout à fait semblable et les têtes quasi identiques. De plus, le rendu des carnations procède de la même superposition patiente de touches linéaires, de la même répétition de traits fins et serrés.

Zanardi et Zeri ont également identifié trois artistes principaux pour le cycle d’Assise, au lieu de deux. Mises à part les scènes attribuées au Maître de Santa Cecilia, Bruno Zanardi propose donc une nouvelle répartition des vingt-huit Scènes de la vie de saint François. Le premier maître, certainement romain et probablement Filippo Rusuti, aurait exécuté les scènes II à VII. Pietro Cavallini serait l’auteur des scènes VIII à XIX, les plus importantes du cycle, tandis que Giotto aurait réalisé les scènes XXIII à XXVIII, ainsi que la scène I, en réalité la dernière à avoir été exécutée. Les deuxième et troisième maîtres auraient collaboré aux trois scènes XX, XXI et XII, en partant chacun d’une extrémité du mur de gauche afin d’accélérer le travail, compte tenu des conditions imposées par les commanditaires.

Les brillants débuts de Giotto
L’attribution à Cavallini de douze Scènes de la vie de saint François replace l’école romaine au premier plan, sans rien ôter de la grandeur de Giotto puisque Zanardi et Zeri lui attribuent la paternité des six dernières scènes et de la première. La manière du troisième maître, en particulier le rendu des carnations par des traits de pinceau filés, s’inspire de celle du second, bien que le naturalisme des représentations soit beaucoup plus marqué. Le même naturalisme se retrouve dans les fresques données à Giotto dans la basilique inférieure d’Assise. Le restaurateur et l’historien de l’art concluent par une hypothèse intéressante : les sept scènes de la basilique supérieure seraient les brillants débuts du jeune Giotto se conformant encore au style et aux modes d’exécution du titulaire de la commande (Cavallini) afin de respecter l’homogénéité formelle exigée pour l’ensemble. Puis, pour la réalisation des fresques des chapelles San Nicola et Santa Maddalena dans la basilique inférieure, l’artiste s’affranchit de cette tutelle pour exprimer le même naturalisme, mais en utilisant cette touche large et caractéristique qui lui permet d’obtenir des effets d’une vérité quasi impressionniste.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°35 du 4 avril 1997, avec le titre suivant : Cavallini détrône Giotto

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