Un écrin pour le dessin

Le Journal des Arts

Le 4 avril 1997 - 567 mots

Experts et professionnels sont unanimes : il faut protéger les œuvres sur papier de la lumière directe, naturelle ou artificielle.

"Un dessin ne doit jamais être mis en pleine lumière", explique l’expert François Lorenceau, "surtout l’hiver, où les rayons du soleil sont à l’horizontale". L’idéal est d’accrocher le dessin à contre-jour, face au nord. Certaines techniques, comme la plume ou l’aquarelle, sont plus vulnérables. Sous une trop forte lumière, "quelques années plus tard, on voit la différence", constate Annie Martinez-Prouté, de la galerie Prouté. Le dessin est alors "insolé".

Traditionnellement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les dessins étaient conservés dans des portfolios ou des cartons, à l’abri de la lumière. Les encadrements des dessins XVIIIe de Jean-Baptiste Mallet sont restés célèbres, avec leurs rideaux de soie coulissants que l’on tire pour regarder l’image. Sous l’influence de Pierre-Jean Mariette, collectionneur et marchand du XVIIIe siècle, le dessin est sorti de l’ombre pour le plus grand plaisir des amateurs. Le "montage Mariette", très codifié, est resté jusqu’à nos jours une référence, qui met le mieux en valeur les qualités d’un dessin. Le bleu-gris du passe-partout est, selon Antoine Béchet, encadreur, "complémentaire de la sanguine et de la sépia". Rien n’est laissé au hasard : "Le filet blanc à double espace agrandit la feuille. La mise en perspective de la bande dorée avec un filet plus fin devant que derrière donne l’illusion que la lumière vient d’en haut à gauche." Le cartouche au bas du passe-partout permet d’indiquer le nom de l’artiste.

La tendance actuelle est plutôt conservatrice, voire "puriste", comme à la galerie Cailleux où l’on préfère le passe-partout coupé à l’horizontale, comme au XVIIIe – pour des raisons d’économie de papier –, et non en biseau. "Nous sommes très pointilleuses là-dessus", souligne Marianne Roland-Michel, qui préconise le cadre ancien. Les montages se déclinent souvent à partir du modèle "Mariette". La différence tient au cadre ou à la baguette, qui peut être recoupée aux dimensions. Antoine Béchet insiste sur "l’évidence" et l’équilibre de l’ensemble : "Il faut que le dessin habite le cadre. Un trop beau cadre sur un dessin de qualité moyenne ne fera que le desservir."
Le nec plus ultra est de mettre en valeur un dessin avec un cadre ou une baguette d’époque.

Encadreurs et marchands chinent, vont aux ventes et achètent des gravures dont ils reprennent les baguettes anciennes ou des toiles à bas prix dont le cadre est intéressant. Le  marchand Jean-François Baroni se passionne pour les cadres anciens, qu’il veut de qualité, en bois, voire estampillés. Le cadre ancien est apprécié pour sa belle patine, qui se marie à merveille avec le dessin. Les irrégularités des vitres anciennes sont elles aussi très prisées des amateurs. À défaut de vitre d’origine, certains utilisent des carreaux de fenêtres du XVIIIe retaillés aux bonnes dimensions.
Un encadrement réussi aide à vendre, les marchands le savent et parfois gardent ensuite le cadre... Car un beau cadre ancien est l’élément qui va considérablement augmenter le prix global de l’encadrement. Un montage avec une baguette de bois doré du XIXe coûte environ 2 000 francs. Avec une baguette du XVIIIe , le prix double. "Sans montage, un cadre du XVIIIe  vaut déjà 2 500 francs. Si c’est un cadre bolonais du XVIIe, ce sera  27 000 francs", explique Antoine Béchet, en montrant un ravissant petit cadre Louis XVI d’Infroit, "dans sa dorure et sa patine", à 14 000 francs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°35 du 4 avril 1997, avec le titre suivant : Un écrin pour le dessin

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque