Les Fangs ont la cote

Paris conforte sa place sur le marché de l’art africain

Le Journal des Arts

Le 18 avril 1997 - 673 mots

Avec de belles pièces Fang, des statues Dogon ou Sépik entre autres, les arts primitifs seront bien représentés dans les prochaines ventes aux enchères à Paris et en région parisienne. La dispersion du 24 avril chez Me Loudmer réunira un remarquable ensemble d’objets, souvent estampillés d’une provenance de prestige : Charles Ratton, Paul Guillaume, Josef Mueller...

PARIS - Les prochaines ventes n’auront certes pas le caractère exceptionnel des dispersions "historiques" de grandes collections comme celle de Pierre Guerre en juin dernier chez Me Loudmer, mais elles proposent des pièces de qualité, voire de haut niveau, et confirment la prépondérance de Paris sur le marché des arts primitifs.

Le 24 avril à Drouot-Montaigne, Me Loudmer propose un ensemble riche et varié, avec une large part de pièces du Gabon. Les différents styles, matières et postures des objets Fang sont représentés, "Fang suintants, croûteux, à patine lisse, en bois léger, en bois noir foncé", selon l’expert Pierre Amrouche. Gardiens de l’arbre généalogique et des reliques des ancêtres, ces statues "magiques" ont souvent un bois suintant en raison des onctions d’huile rituelles. Certaines ont été asséchées dans les années vingt ou trente, le suintement d’huile paraissant alors inquiétant. Provenant de la collection de Pierre et Marianne Nahon, plusieurs statues d’ancêtres Byeri Fang se distinguent par la force de leurs lignes et leur patine ancienne. L’une d’elles, une statue d’ancêtre Fang Ntu­mu tenant une cou­pe à offrandes, qui "suinte d’hui­le sacrificielle", a eu d’illus­tres propriétaires : Paul Guil­laume, Madeleine Rous­seau, Leloup, Arman, et justifie l’estimation de 400 à 600 000 francs. Une puissante statue Fang Betsi dans le même es­prit est évaluée à l’identique. Plus vive et élancée, une statuette Fang Byeri Ntumu, entrée dans la collection Barbier-Muller avant 1939 et représentant un ancêtre avec un large anneau à la cheville, est estimée 300 à 400 000 francs.

Vendue par Char­les Ratton en 1950, une surprenante statue Dogon d’ancêtre hermaphrodite au pendentif a, selon Pierre Amrouche, "un bois dur qui suinte depuis des siècles". Portant la barbe – peut-être postiche comme celles d’Égypte – d’ancêtres respectables, cette pièce pourrait atteindre 300 à 500 000 francs. Plus étonnante encore, une statuette féminine d’ancêtre à bec d’oiseau, provenant de l’ethnie Moyen Sépik de Nouvelle-Guinée, a également appartenu à Charles Ratton. Cet étrange spécimen d’art océanien, patiné à l’ocre rouge et brune, probablement très ancien, est estimé 200 à 300 000 francs. Enfin, une belle statue féminine à patine brune d’usage, estimée 100 à 150 000 francs, provient, outre de la collection Nahon, de celle de Jacques Kerchache. La veille, le 23 avril à Drouot-Montaigne, l’étude De Quay-Lombrail mettra aux enchères une tête Fang exceptionnelle, en bois noir ancien à patine suintante. Estimée entre 1,3 et 1,5 million de francs, elle avait été adjugée 940 000 francs avec les frais lors de la vente de la collection Gaston de Havenon en 1994, éclipsée par des objets plus importants et insuffisamment documentée. L’expert Bernard de Grunne a entrepris des recherches plus poussées et retrouvé sa trace à la grande exposition d’art africain du MoMA de New York en 1935. Elle appartenait alors à Louis Carré, qui l’a ensuite cédée à Charles Ratton. Également dans cette vente, une statue Zande d’une femme de cour assise sur un tabouret de style Mangbetu, la seule connue au monde, est estimée 600 à 800 000 francs.

Enfin, l’étude Loiseau-Digard-Schmitt proposera deux ventes d’arts primitifs, l’une le 1er juin à Saint-Germain-en-Laye, la secon­de le 3 juin à Paris. Estimée 260 à 280 000 francs, une statue Afo du Nigeria dispersée le 3 juin est le lot majeur des pièces africaines et océaniennes provenant de Mon­sieur H., qui avait racheté une collection entière au début des années soixante. Vendue le 1er juin, la bibliothèque d’arts primitifs de Bernard Lucas rassemble environ 300 volumes de 1930 à nos jours, estimés 200 à 10 000 francs. Bernard Lucas était le marchand de César et de Martial Raysse, mais surtout d’Arman, comme lui grand collectionneur d’art primitif. Sa collection d’ouvrages est une mine pour ceux qui en ont la curiosité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°36 du 18 avril 1997, avec le titre suivant : Les Fangs ont la cote

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