Les Primitifs flamands en miniature

Comment l’enluminure a résisté à l’essor de l’imprimerie

Le Journal des Arts

Le 18 avril 1997 - 471 mots

Fruit d’une recherche menée par l’Université catholique de Louvain et le Musée royal des beaux-arts d’Anvers, l’exposition se penche sur les sources de l’univers symbolique des primitifs flamands et montre, à travers une sélection de documents rares, à quel point la grandeur des Van Eyck et autres Memling a trouvé à s’exprimer dans le petit format de l’enluminure.

ANVERS (de notre correspondant) - L’émergence, vers 1475, d’un nouveau style dans la miniature flamande répond à une révolution culturelle qui emporte l’Eu­rope. L’essor de l’imprimerie im­pose la gravure sur bois ou sur cuivre et conduit à une transformation des moyens de communication. Menacée, l’enluminure ne disparaît pas pour autant. Au contraire, il semble même que l’homogénéité nouvelle du texte "mécanisé" donne à l’image enluminée une nouvelle signification. Ainsi, à l’aube du XVIe siècle, les miniaturistes flamands développent un style nouveau placé sous le signe du réalisme narratif : clair-obscur et souci du détail signifiant dominent dans ces manuscrits produits à Gand ou à Bruges et que l’Europe s’arrache bientôt. Les œuvres réalisées témoignent d’un sens plastique affirmé : l’intensité lumineuse des couleurs, le développement de profonds paysages ou les trompe-l’œil raffinés des bordures bouleversent le champ plane du parchemin.

Rivalisant de qualité avec les productions en série de l’imprimerie moderne, les miniatures des artistes flamands appartiennent au monde des peintres. Qu’il s’agisse des modalités iconographiques, stylistiques ou sociologiques, ces œuvres transposent dans le registre de l’objet précieux l’imaginaire des tableaux de dévotion ou des tableaux d’autel. Ceci justifie le parti pris de comparaison qui a présidé à l’élaboration de l’exposition. Des peintures, choisies essentiellement à titre documentaire, permettent de tracer un lien entre peinture et miniature. Le commanditaire constitue un des axes privilégiés de cette étude parallèle. Connu, tant pour les tableaux que pour les enluminures, le commanditaire se dévoile sous un jour qui déborde la piété vécue face à l’image. Le manuscrit enluminé témoigne d’un rang social, et l’unicité du texte rejaillit ainsi sur son détenteur. Ici aussi, le contraste avec la politique de l’imprimé se veut significatif. Objet de luxe, le manuscrit enluminé devient un signe de distinction. Au-delà de l’histoire de l’art, un des mérite de la manifestation présentée à Anvers est de souligner la dimension industrielle de cette production de prestige. Quelque 1 000 ouvrages enluminés ont été produits à Bruges et Gand, mais aussi à Anvers, Malines et Bruxelles, pour satisfaire une de­mande venue de l’Europe entière. Industrie de prestige, le manuscrit enluminé a attiré vers les Pays-Bas méridionaux nombre d’artistes étrangers qui permettront le renouvellement du style… pour répondre au goût du jour.

L’ART DES MINIATURES FLAMANDES 1475-1550, 11 avril-22 juin, Musée royal des beaux-arts, Plaatsnijdersstraat 2, Anvers, tél. 32 3238 78 09, tlj sauf lundi 10h-17h, mercredi 10h-21h. Entrée : 200 à 100 FB. Catalogue publié par Ludion-Flammarion, 244 p., 1 200 FB, 200 FF.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°36 du 18 avril 1997, avec le titre suivant : Les Primitifs flamands en miniature

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