Coupeur de toile

Un Canaletto mutilé et reconstitué

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 18 avril 1997 - 462 mots

La National Gallery de Londres espère réunir temporairement les deux parties d’un tableau de Canaletto, dont l’une est conservée au Museo Nacional de La Havane et l’autre dans un manoir du Norfolk, propriété du National Trust. L’artiste avait lui-même coupé la toile en deux afin d’obtenir une paire de tableaux, plus facile à vendre.

LONDRES (de notre correspondant) - Avant la fin de l’année, la National Gallery espère rassembler les deux parties de la Vue de la Tamise à Chelsea (1750) à l’occasion du 300e anniversaire de la naissance de Canaletto. Le Natio­nal Trust a donné son accord pour le prêt de la partie conservée à Blickling Hall, et le directeur du Museo Nacional de La Havane devrait faire de même pour celle en sa possession. L’ensemble devrait être exposé dans la salle Canaletto du musée londonien, puis peut-être à La Havane.

La partie cubaine, celle de droite, représente la Tamise vue de l’actuel Battersea Park. Mise en vente chez Christie’s en 1802 par le collectionneur français Paul d’Aigremont, la toile est restée en Angleterre jusqu’aux années 1920. Elle fut ensuite  achetée par le magnat cubain du sucre Oscar Cintas, qui en fit don avant sa mort, survenue en 1957, au Museo Nacional de La Havane. Bien que les conditions légales dans lesquelles certains des tableaux offerts par Cintas au musée cubain soient remises en question, il ne semble pas y avoir de contestations à propos cette œuvre (lire le JdA n° 21, janvier 1996). La partie gauche du tableau représente les jardins de Chelsea. Elle a probablement été achetée à la fin du XIXe siècle par la famille Lothian, propriétaire de Blickling Hall. Le manoir a été racheté en 1940 par le National Trust, mais il a fallu attendre 1955 pour que le tableau soit donné à Canaletto plutôt qu’à Samuel Scott, et pour que le lien avec la toile de La Havane soit fait.

La réunion des deux parties permettra de décider de la possibilité ou non de reconstituer le tableau définitivement. Il y a peu de pertes à l’endroit où le tableau a été découpé, mais les dimensions des deux toiles ne sont plus les mêmes. La partie cubaine est à la fois plus haute et plus large : 96 x 127 cm contre 87 x 107 cm. Le ciel de la partie anglaise a en effet été recoupé, peut-être dans l’espoir d’obtenir une composition plus équilibrée. Il est également difficile de savoir si les pigments et la couche picturale ont évolué de la même manière. Néanmoins, Alastair Laing admet que si le musée cubain décidait de vendre son tableau – ce que des rumeurs laissent entendre –, le National Trust pourrait saisir l’occasion de recréer l’œuvre originale, "mais le premier pas est de voir les deux parties ensemble".

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°36 du 18 avril 1997, avec le titre suivant : Coupeur de toile

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