Diplomatie

Le Caire vs le Louvre

Privé de fouilles, le Musée du Louvre va rendre à l’Égypte cinq fragments de peinture murale

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · Le Journal des Arts

Le 14 octobre 2009 - 740 mots

Réclamant depuis près d’un an la restitution de vestiges archéologiques, le Caire a décidé d’interrompre toute coopération archéologique avec le Musée du Louvre. La mesure a fait l’effet d’une bombe et devrait aboutir au retour en Égypte de ces pièces dans les plus brefs délais, avec l’accord de la Rue de Valois.

LE CAIRE/PARIS - La nouvelle a fait l’effet d’une bombe auprès des autorités françaises : le Caire a décidé d’interrompre toute coopération archéologique avec le Musée du Louvre tant que l’institution ne lui aura pas rendu des œuvres considérées comme « volées », selon les propres termes de Zahi Hawass, le très médiatique chef du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes (CSA). Depuis cet été, le Musée du Louvre vivait avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, sachant que l’accès au chantier des fouilles menées sur le site de Saqqara, près du Caire, pouvait à tout moment lui être interdit. Le 7 octobre, au moment où démarrent traditionnellement les fouilles en Égypte, Zahi Hawass est passé des menaces à l’acte. L’objet du litige : cinq fragments de peinture murale provenant du tombeau d’un dignitaire de la XVIIIe dynastie égyptienne (1550-1292 avant J.-C.), originaire de la Vallée des Rois, non loin de Louxor. De petites dimensions (15 cm de large sur 30 cm de haut), ces pièces actuellement dans les réserves du Louvre auraient été acquises « de bonne foi », selon le ministère de la Culture. La commission d’acquisition de la Direction des Musée de France avait acheté pour le compte du Louvre quatre de ces fragments directement auprès d’une galerie française, en 2000, et la cinquième pièce lors d’une vente publique à Drouot en 2003. Cinq ans plus tard, en novembre 2008, la redécouverte par les archéologues de la tombe, dont ces œuvres sont issues, avaient soulevé de sérieuses questions quant à la légalité de leur sortie du territoire. « Les preuves en question sont des photographies qui attestent que ces peintures étaient encore en place au milieu des années 1970, alors que les éléments dont nous disposions jusque-là nous laissaient penser que ces pièces étaient sorties en toute légalité d’Égypte avant 1970 », a précisé à l’AFP Henri Loyrette, président du Musée du Louvre. Face aux demandes de restitution, les musées brandissent la convention de l’Unesco de 1970 contre l’exportation, l’importation et le transfert illicite des biens culturels, qui n’a aucun effet rétroactif et n’entre en vigueur qu’à partir de la date de ratification du pays.

Dès novembre 2008, le CSA avait saisi le ministère de la Culture d’une demande de restitution ; requête restée lettre morte jusqu’à ce que Zahi Hawass ait recours à la manière forte. Le 7 octobre, le Louvre a immédiatement réagi en déclarant son intention de restituer les pièces, suivi de peu par la Rue de Valois, également favorable au retour des œuvres en Égypte. Réunie d’urgence le 9 octobre, la commission scientifique nationale des Musées de France s’est déclarée, à l’unanimité, pour un déclassement des fresques en vue de leur restitution. Campant sur ses positions, Zahi Hawass a rétorqué que la coopération ne serait rétablie qu’une fois le retour effectif des peintures sur le sol égyptien. Henri Loyrette a annoncé que le Louvre allait « se rapprocher des autorités égyptiennes pour fixer les modalités et les dates de retour, mais ça devrait être rapide ». L’opération doit tout de même prendre plusieurs semaines. Une telle mesure peut avoir des conséquences sur d’autres chantiers , puisque les agents du Louvre collaborent étroitement avec les membres de l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO) sur différents sites égyptiens. L’incident pourrait envenimer un peu plus des relations devenues difficiles depuis l’arrivée à la tête du CSA de Zahi Hawass (en 2002), qui a fait de la restitution des pièces égyptiennes une priorité, et ce, dans le contexte tendu du récent échec du ministre de la Culture Farouk Hosni à l’élection au poste de directeur général de l’Unesco. L’Égypte avait déjà pris une décision similaire à l’égard du Saint Louis Art Museum (États-Unis) en 2006 et pourrait durcir le ton dans les années à venir. Zahi Hawass réclame à cor et à cri d’autres pièces à des musées parmi lesquelles le buste de la reine Néfertiti aux mains des musées de Berlin, la pierre de Rosette conservée au British Museum à Londres, le buste du dignitaire Ankhaf du Museum of Fine Arts de Boston et une autre pièce du Louvre : le zodiaque de Dendérah.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Le Caire <em>vs</em> le Louvre

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