Pour le meilleur et pour le pire

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2009 - 509 mots

Après l’engouement immodéré pour l’art contemporain chinois, le marché s’est trouvé une nouvelle marotte : l’art contemporain iranien et arabe.

Partout fleurissent ventes et expositions autour du Moyen-Orient. Pour le meilleur, et le plus souvent pour le pire. N’était leur exotisme, beaucoup de ses artistes n’auraient guère bénéficié – ni mérité – de tels coups de projecteurs. Dans sa précipitation, le marché a mis le grappin sur des scènes dépourvues de maturité et non digérées par les critiques ou les curateurs. « En deux ou trois ans, des stars se sont créé, sans aucun livre, ni réseau de galeries en Europe ou collectionneurs qui ne soient pas moyen-orientaux », constate Daniela da Prato, organisatrice de l’exposition « Golden Gates », du 20 octobre au 13 novembre à Paris Expo. De fait, certains brassent dans un même gruau artistes traditionnels calligraphes, créateurs conceptuels et peintres classiques. Les deux ou trois noms vraiment intéressants s’y trouvent souvent noyés. La vente d’art iranien et arabe organisée par Artcurial, le 24 octobre, en est symptomatique (lire p. 26). La dispersion de chevaux peints par vingt et un artistes iraniens pour célébrer la réouverture de l’hippodrome de Téhéran constitue l’un des points d’orgue de la vacation. Viendrait-il à l’esprit d’Artcurial de céder les vaches peintes, qui essaiment dans les grandes capitales ou les ours bariolés plantés aux quatre coins de Berlin ? Certainement pas. Mais quand il s’agit du Moyen-Orient, toutes les aberrations semblent possibles ! Que le marché succombe à cette course à l’échalote, soit. Mais que les musées y répondent aussi sans discernement, la chose est plus problématique. Ainsi l’exposition sur les « 150 ans de photographie iranienne » au Quai Branly reconstitue avec pédagogie l’histoire de ce médium en Iran. Mais le pan contemporain laisse au mieux sceptique par sa platitude, malgré l’humour d’un Vahid Salemi. Au pire, elle irrite ceux qui y décèlent les travers moyen-orientaux : le goût des métaphores trop appuyées. Exposer ainsi des artistes pour certains issus de la galerie Silk Road, dont la directrice organise l’événement, c’est oublier des noms autrement plus intéressants de la diaspora, comme Reza Aramesh, présenté sur Paris Photo en novembre prochain, ou Mitra Tabrizian, accrochée dans une exposition de groupe chez Almine Rech en juin dernier.

Sculptures grostesques
Même pour les créateurs intéressants, un vrai distinguo s’impose. Si les œuvres de Bita Fayyazi proposées à l’Espace Louis Vuitton et chez Thaddaeus Ropac à Paris en février dernier valaient réellement le détour, tel n’est pas le cas des sculptures plutôt grotesques montrées en mars dernier chez B21 à Dubaï. « Les artistes ne travaillent pas de la même façon quand ils produisent pour Londres, New York, Paris, ou pour Dubaï et le Bahreïn. C’est toujours le même artiste, mais pas la même exigence », glisse un observateur de cette scène. Pour Daniela da Prato, une sélection est obligatoire : « Je choisis des artistes qui représentent un point de départ intéressant, dont les œuvres pourront encore signifier des choses dans quelques années. Et qui ne font pas de compromis avec le marché. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Pour le meilleur et pour le pire

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