Vent d’optimisme sur la capitale

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2009 - 1489 mots

Profitant de l’essor du marché européen, la FIAC tient la barre du 22 au 25 octobre à Paris. Tout en gardant un profil international, elle réintègre plusieurs galeries françaises.

Paris ou Londres ? Voilà trois ans, le choix ne faisait pas un pli. Londres était sexy, hype, glamour, excitante, cosmopolite. À côté, Paris semblait provinciale. Or, depuis deux ans, sous la férule de ses deux directeurs Jennifer Flay et Martin Bethenod, la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) a changé de look et gagné en lustre. La crise fait encore plus pencher la balance en faveur de l’Hexagone. Synonymes d’excès, les places londoniennes et new-yorkaises sont provisoirement gelées. Martin Bethenod le dit bien : « La place parisienne et le continent européen constituent désormais un pôle attirant et rassurant pour les collectionneurs. »

Un constat qu’avait déjà effectué la galerie Mitchell-Innes & Nash (New York) à la Foire de Bâle en juin dernier. « Les Européens sont plus enthousiastes et actifs », indique Lucy Dew, directrice de la galerie qui proposera un large panorama, du plus classique avec Picasso à l’art actuel avec Enoc Perez. Autre nouvel exposant, Darren Flook, directeur de The Hotel (Londres), constate un repli général des galeries et des collectionneurs sur leurs marchés nationaux. « La globalisation diminue », confirme le nouvel entrant Guido W. Baudach (Berlin). La galeriste Chantal Crousel (Paris) l’a compris, en misant sur la FIAC plutôt que sur la Frieze Art Fair de Londres. Pour l’occasion, elle concocte une exposition intellectuellement jouissive baptisée « Sémiocirque ». « Cela parle d’une envie de casser par des entrechocs des sens épuisés, convenus », indique-t-elle. Et d’ajouter : « Pourquoi ne pas acheter des œuvres en sachant comment et pourquoi elles ont été faites ? » Des questions que les gens avaient cessé de se poser pendant les années de vaches grasses.

Qu’une galerie française soutienne son marché, quoi de plus légitime. Mais, plus étrange, quelques recrues britanniques font l’éloge de Paris. « Je suis intéressée à découvrir un marché que je ne connais pas et je dis constamment à mes collectionneurs que beaucoup de choses se passent dans les jeunes galeries en France », souligne Raphaëlle Bischoff, de la galerie Bischoff-Weiss (Londres), qui propose un stand conçu par l’artiste Matt Golden. Pilar Corrias (Londres) invoque, elle, la présence en France de plusieurs de ses artistes comme Philippe Parreno et Ulla von Brandenburg. Une ambiance très hivernale dominera son accrochage avec un sapin de Parreno, une peinture de Tala Madani représentant un arbre de Noël et une horloge à coucou de Tobias Rehberger. « Ma galerie n’existe que depuis un an, mais la FIAC regarde le programme, pas l’âge, souligne-t-elle. Faire la FIAC aujourd’hui, c’est plus intelligent que de faire Frieze. Il y a tellement plus de business effectué en euros qu’en livres sterling. Londres est touché de la même façon que New York, les grands collectionneurs achètent définitivement moins. » Aussi les galeries étrangères ont-elles mis un frein aux prix ahurissants. « On vient pour vendre », précise Lucy Dew. « Depuis janvier, j’ai changé mes prix de 30 à 50 %. On ne peut pas exiger les mêmes tarifs qu’avant », indique le marchand new-yorkais Per Skarstedt, lequel prévoit un ensemble de Cindy Sherman, Martin Kippenberger et Richard Prince.

Même si la FIAC jouit d’une grande cote de popularité, quelques grosses pointures comme Hauser & Wirth (Zurich, Londres, New York), Sadie Coles (Londres), Waddington (Londres) et David Zwirner (New York) lui préfèrent Frieze. « Je suis plus engagé auprès de Frieze, qui a toujours mieux marché pour nous, confie David Zwirner. En 2007, on avait fait une bonne FIAC, mais l’an dernier elle s’est révélée médiocre. J’ai l’intention de revenir, mais je passe mon tour cette année d’autant plus que j’ouvre une nouvelle galerie quelque temps avant à New York. » D’autres, comme les Berlinois Esther Schipper, Gregor Podnar et Carlier Gebauer, tirent leur révérence au profit de la turinoise Artissima (6-8 novembre). « L’an dernier, on a eu de bons contacts institutionnels à la FIAC, mais peu de ventes, regrette Gregor Podnar. On doit aussi réfléchir en termes de dépenses et revenus. » Une interrogation lancinante que les organisateurs de la FIAC ont prise en compte avec la nouvelle section sponsorisée par les Galeries Lafayette à la Cour carrée du Louvre.

L’international, très présent
Opérée par les curateurs Christine Macel, Hans Ulrich Obrist et Marc-Olivier Wahler, la sélection de quatorze galeries favorise les jeunes opérateurs étrangers, car la récession ne doit pas stopper l’internationalisation du salon. On s’étonne toutefois que des enseignes de dix ans d’âge soient encore considérées comme « émergentes ». Le syndrome de Tanguy aurait-il atteint le monde marchand ? L’idée d’une telle plateforme n’est pas bien neuve, puisqu’elle s’inscrit dans la lignée de feu le secteur Perspectives, sponsorisé autrefois par la société Ricard. « On a souhaité donner un coup de pouce à une génération de galeries. Les Galeries Lafayette sont prêtes à nous soutenir encore l’année prochaine, si cela est nécessaire et efficace, remarque Martin Bethenod. Perspectives s’est arrêté car ce type de secteur n’était alors plus recherché. »

Un nouveau secteur moderne décline aussi un vieux concept, évoqué en 2004 sous la forme du Musée imaginaire des galeries d’art (MIGA). Dix grands marchands internationaux, à l’instar des Parisiens Daniel Malingue, Louis Carré & Cie ou des New-yorkais Pace Wildenstein et Gagosian, y déploieront un best of de leurs œuvres dans une scénographie conçue par l’architecte Jean-François Bodin. « Je veux remettre dans la tête des gens ce qu’on peut trouver chez des marchands », martèle Daniel Malingue, en prévoyant notamment le Grand déjeuner de Léger. Pour Patrick Bongers, le directeur de la galerie Louis Carré & Cie, le but avoué est de montrer des tableaux désirables pour les futurs musées d’Abou Dhabi. L’émirat semble d’autant plus intéressé par ce plateau qu’il pourrait l’intégrer, en novembre prochain, dans sa nouvelle foire. Reste à voir si tous les exposants joueront le jeu pour montrer le meilleur…

Pour conjurer toute déception, les organisateurs évitent le mot chef-d’œuvre. Un terme sur lequel joue en revanche Hervé Bize (Nancy) avec l’exposition « Master Piece » composée de pièces d’André Cadere, François Morellet ou encore Philippe Cazal. La panacée du moderne sera surtout à découvrir sur le reste de la foire, du côté de 1900-2000 (Paris), du Minotaure (Paris) avec son alléchante exposition autour d’Erwin Blumenfeld, ou de Natalie Seroussi (Paris). Cette dernière prévoit une exposition sur les machines et la vitesse, métaphore astucieuse de la nouvelle dynamique parisienne. Au menu, notamment, un Meta-matic de Jean Tinguely, le dessin d’une automobile de course par Giacomo Balla ou encore un Calder motorisé.

Injustice réparée
La désertion de certains poids lourds a conduit à la réintégration de galeries autrefois injustement refusées comme Catherine Issert (Saint-Paul-de-Vence), de retour avec une exposition personnelle de John Armleder ; Martine et Thibault de la Châtre (Paris) avec Gérard Deschamps ; Claude Bernard (Paris) avec Peter Blake ; ou encore Jean Brolly (Paris). Mais, en raison des annulations, certains ont dû accepter des stands bien plus grands que ce qu’ils avaient initialement prévu… À la Cour carrée, l’absence de quelques New-yorkais comme John Connelly Presents ou Foxy Production permet l’arrivée de Triple V (Dijon) et son accrochage de Leo Fabrizio, Gianni Motti et James Angus ; ou Sémiose (Paris), et son escarcelle comprenant Taroop & Glabel et Piero Gilardi. Pour ce qui est du design, la sélection se resserre à six galeries parisiennes, désormais installées au rez-de-chaussée du Grand Palais. Reste à espérer que cette porte entrouverte en faveur des enseignes hexagonales ne se referme pas aussi sec au moindre souffle de reprise économique…

Si la FIAC se resserre sur ses forces vives nationales, elle surfe aussi sur un leitmotiv : l’union fait la force. D’où de nombreuses participations communes comme celle de Kamel Mennour (Paris), Jan Mot (Bruxelles) et Johann König (Berlin), Stefania Bortolami (New York) et The Approach (Londres) ou encore les Parisiens Jocelyn Wolff et gb agency, deux transfuges de la Cour carrée désormais installés au Grand Palais. « D’ici deux à trois ans, une bonne partie des exposants auront vocation à passer de la Cour carrée au Grand Palais, qui à ce moment-là disposera de nouveaux espaces, confie Martin Bethenod. À priori à échéance 2010, on devrait déjà disposer de 2 700 m2 supplémentaires. Cette évolution nous donnera à réfléchir sur ce qu’on fera de la Cour carrée. Comment sera le marché à ce moment-là ? On n’en sait rien. S’il y a une énergie forte de la part de nouvelles jeunes galeries et que le marché peut le porter, on verra. » 

FIAC

22-25 octobre, Cour carrée du Louvre et Grand Palais, www.fiac.com, Cour carrée 13h-21h, Grand Palais 12h-20h

Directeurs : Jennifer Flay et Martin Bethenod
Nombre d’exposants : 194
Tarif des stands : 440 euros le m2 au Grand Palais et 310 euros le m2 à la Cour carrée
Nombre de visiteurs en 2008 : 65 000

Légendes photo (haut et bas) : Vernissage de la FIAC au Grand Palais (2009) © LudoSane

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Vent d’optimisme sur la capitale

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