Biennale

Interventions urbaines

Evento furtivo

La ville de Bordeaux crée une nouvelle manifestation biennale largement pensée pour l’espace public. Elle met en exergue une conception attractive de monument furtif

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2009 - 668 mots

BORDEAUX

BORDEAUX - À la longue liste des biennales artistiques, la ville de Bordeaux vient d’ajouter la sienne en inaugurant, le 9 octobre, « Evento ».

Voulue par le maire, Alain Juppé, afin de maintenir l’élan initié par la préparation du dossier de candidature malheureuse pour la Capitale européenne de la culture 2013, la manifestation entend rythmer la vie culturelle bordelaise avec un événement dont le cahier des charges stipule qu’il doit célébrer la création contemporaine, tout en situant l’événement au cœur de l’espace urbain et en associant les acteurs culturels locaux. Le tout en faisant un rendez-vous populaire, largement ouvert, et donc pour cela totalement gratuit.
Choisi pour mettre en musique cette première édition, Didier Fuzia Faustino, architecte ayant opéré des percées remarquées dans le champ artistique, participant ainsi à un décloisonnement des disciplines, a pensé un programme en trois temps qui interroge l’espace public et les formes d’interaction avec la ville et ses habitants. Ce décloisonnement voulu est mis en exergue au CAPC-Musée d’art contemporain, où l’établissement et son voisin Arc en rêve, centre d’architecture, ont, par l’entremise de leurs directrices respectives, Charlotte Laubard et Francine Fort, conjointement organisé l’exposition « Insiders » qui explore les savoir-faire, pratiques et usages populaires générateurs de modes alternatifs d’appropriation de l’espace public. Ce, à travers une grille de lecture scindée en quatre catégories : célébrer, participer, recycler et transmettre. Nombre de projets se montrent attractifs et l’on y trouve beaucoup à découvrir et à glaner, mais les quatre-vingts propositions sont trop nombreuses, qui plus est rassemblées dans une scénographie confuse où le mélange des genres opéré procède au final à une sorte de nivellement qui rend l’ensemble peu lisible.

Objet en mouvement
Au Grand-Théâtre, l’invitation adressée à Fernando Alvim, directeur de la Triennale de Luanda, en Angola, afin de faire découvrir cette très active scène locale, laisse pour le moins perplexe. L’intervention dans de tels espaces, inadaptés à l’art contemporain, doit être pensée en un projet global pour ne pas apparaître comme une installation rapportée à l’effet carton-pâte, ce qui hélas advient ici. La conséquence en est que la plupart des propositions paraissent noyées dans le décor chargé de ce bâtiment XVIIIe. Le film de Nástio Mosquito, Bofa na Cara (2009), y fait preuve de remarquables qualités plastiques et sémantiques pour s’imposer, avec ses successions de textes et de documents graphiques enchevêtrés, qui décortiquent la manière dont, à force de clichés, s’est forgée depuis l’extérieur une forme d’identité africaine. Intitulée « Intime collectif », c’est bien la proposition orchestrée personnellement par Didier Fuzia Faustino qui domine l’ensemble, en jouant de l’espace public et en s’appuyant sur un concept de monument furtif qui fait de son exposition un objet en mouvement, jamais complètement circonscrit. À quelques exceptions, comme la belle passerelle de Tadashi Kawamata qui enjambe une voie de circulation vers le quai Louis-XVIII, les œuvres sont en effet mouvantes, se déplaçant dans différents quartiers au cours de la manifestation. Diverses, les œuvres convoquées se rejoignent toutes dans une forme de dérèglement, de glissement, de perturbation de la ville, du quotidien et des usages. Kristina Solomoukha installe un Haut-parleur qui fait des bulles de savon, Florian Hecker imagine un drôle de dispositif qui capte et altère les sons urbains (Auditory Objects), Raphaël Zarka s’empare de petites constructions urbaines pour les adapter en spots de skate (DIY Spots), João Onofre enferme un groupe de death metal dans un cube d’acier d’où ne sourd plus qu’une curieuse vibration (Box Sized Die, Featuring Gorod and Juggernaut)… Contredisant Marcel Duchamp, Faustino n’estime plus que l’art est un rendez-vous, mais que des chocs esthétiques peuvent subvenir par hasard, au coin de la rue, lors de petits moments extraordinaires dans l’ordinaire d’une ville (ou au Musée, comme dans la formidable intervention de Jasper Morrison au Musée des arts décoratifs). C’est ici l’œuvre qui va à la rencontre de ses occupants, et non plus l’inverse. Un prélude à un nouvel ordre amoureux ?

EVENTO, jusqu’au 18 octobre, divers lieux dans Bordeaux, tél. 05 56 79 39 56, www.evento2009.org

EVENTO
Commissaire : Didier Fuzia Faustino, architecte et artiste
Nombre d’artistes : 56
Budget : 4,5 millions d’euros

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Evento furtivo

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque