Livres précieux

Le coup d’envoi de Sotheby’s

Le Journal des Arts

Le 2 mai 1997 - 709 mots

Avec la dispersion de la bibliothèque d’un amateur parisien le 15 mai à Londres, Sotheby’s donne le coup d’envoi de son nouveau département Livres, dirigé à Paris par Jean-Baptiste de Proyart. Deux autres ventes importantes sont prévues le 16 juin puis les 27-28 juin à Londres, en attendant que le marché du livre se répartisse entre Londres et Paris et que le nouveau département organise ses propres dispersions dans la capitale française.

PARIS. "Le marché parisien des livres anciens est très solide", souligne Jean-Baptiste de Proyart. L’ouverture d’un département de bibliophilie à Paris est apparue comme un "passage obligé", une évidence, pour la maison britannique. "Les Français ont toujours chéri les livres, et ils se sont transmis la notion d’exemplaire, ouvrage à pedigree pur et somptueux, en quelque sorte la définition du goût français." La première vente aux enchères de livres eut d’ailleurs lieu à Paris en 1706 : il s’agissait de la dispersion de la librairie Bigot. Depuis deux siècles et demi, Sotheby’s effectue des ventes dans cette spécialité. Tradition­nel­lement, le marché des incunables (les livres imprimés les plus anciens, antérieurs à 1500) et des enluminures a toujours été la chasse gardée de Londres. Le département de Paris pourrait donc se spécialiser dans les ouvrages de littérature française, jusqu’à présent dispersés à Genève. "Les livres français se vendent très bien partout dans le monde, précise Jean-Baptiste de Proyart. Les reliures de qualité ont une audience internationale. La littérature, en revan­che, est très liée à la langue".

Reliures mosaïquées
Réunie en l’espace de quarante ans, la "bibliothèque d’un amateur parisien" qui sera mise en vente le 15 mai à Londres est un ensemble "très classique", de portée internationale. Ces 130 volu­mes quasiment sans défaut témoignent du "goût patient et de la finesse" de ce collectionneur. Paul Quarrie, expert en bibliophilie à Londres, détaille la finesse des livres d’heures, et celle des ouvrages de piété des XVIIe et XVIIIe siècles, calligraphiés avec fraîcheur et fantaisie. Rythmé par 41 miniatures, la Vie des Saints-Pères du désert, un manuscrit sur parchemin de 1705, est estimé 20 à 30 000 livres, et un livre d’heures sur parchemin de Bruges, richement enluminé, entre 40 et 60 000 livres. L’Office de la Vierge Marie, manuscrit sur parchemin de 1644 calligraphié par Nicolas Jarry, pourrait atteindre 6 à 8 000 livres. Précieux habillage des ouvrages de dévotion, les reliures mosaïquées des XVIIIe et XIXe siècles forment un ensemble unique. Ornée d’un miroir au centre des mosaïques de maroquin de couleur, Les Heures nouvelles dédiées à la Reine, Paris, 1761, est estimée 10 à 15 000 livres. De l’éditeur Galiot du Pré, une première édition très recherchée des Œuvres de François Villon, rarement trouvée en mains privées, est estimé 22 à 28 000 livres. Ce grand texte de la littérature française est l’ouvrage le plus important de la vente. Enfin, des livres érotiques du XVIIIe siècle viennent clore cet ensemble, souvent chers en raison de leur rareté : une grande partie d’entre eux a été passée au pilon. Dans la continuité de cette vente, Sotheby’s dispersera les 27 et 28 juin des ouvrages agrémentés de belles reliures modernes. Le 16 juin, toujours à Londres, la maison anglo-saxonne mettra en vente la somptueuse collection Beck de 34 manuscrits enluminés du Moyen Âge réunis par un grand amateur européen. L’estimation globale s’élève à 7 millions de livres, un montant considérable justifié par la qualité des ouvrages proposés. Estimé 2 à 3 millions de livres, le psautier de saint Blaise est un superbe exemple d’enluminure gothique réalisée au XIIIe siècle dans un monastère de la Forêt noire. Les Évangiles de la reine Theutberge de Lorraine, épouse de Lothaire II, datent du milieu du IXe siècle et ont été respectées telles des reliques. Remarquablement préservées, elles sont évaluées entre 1 et 1,5 million de livres. Attribuées à Ser Ricciardo di Nanni, Les Heures de Blandford, estimées 400 à 600 000 livres, sont à l’image de la richesse des manuscrits humanistes de la Renaissance. Autre merveille, les Heures et le livre de prières d’Ève de Nassau ont été exécutés vers 1484, avec une imagination et une vivacité propres à captiver cette petite fille de quatre ans. L’ouvrage, de petit format pour convenir à des mains d’enfant, est estimé 50 à 80 000 livres.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°37 du 2 mai 1997, avec le titre suivant : Livres précieux

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque