Trafics dans la Communauté

Le traité de Rome ne doit pas servir de couverture

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 16 mai 1997 - 408 mots

Un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé les peines infligées à un transporteur pour avoir, en 1988, prêté la main à des exportations frauduleuses d’œuvres d’art vers l’Angleterre. La Cour a ainsi réaffirmé que le traité de Rome ne devait pas servir de couverture aux trafiquants.

PARIS. Les circonstances méritent d’être rapportées. Le propriétaire en France – par société suisse interposée – de deux Pissarro et d’un Signac avait chargé un avocat genevois d’en assurer le transfert à Londres. L’avocat avait remis les tableaux à un entrepositaire parisien, convoqué dans un hôtel parisien avec instruction de venir dans un véhicule banalisé et mission de les remettre ensuite à un transporteur spécialisé belge. Ce dernier avait organisé l’opération visant à transporter les œuvres en Belgique avec un chargement de meubles puis, de là, profitant de l’absence de contrôle en Belgique, vers l’Angleterre. Les Douanes françaises, après avoir intercepté les tableaux, poursuivaient le propriétaire ainsi que l’avocat suisse et le transporteur belge. La cour d’appel de Douai avait décidé, en juin 1995,  la confiscation des œuvres et, pour contrebande et exportation sans déclaration, la condamnation des différents comparses, belge, français et suisse, à une amende de plus de 7 millions de francs. Dans leur décision, les juges d’appel avaient retenu la mauvaise foi du transporteur. La Cour de cassation a confirmé cette décision en écartant les arguments sur la libre circulation des "marchandises" et les libertés fondamentales, tirés du traité de Rome et de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cette affaire confirme que les trafics existaient avant l’ouverture des frontières, de façon très organisée, et que les fraudeurs tentaient déjà d’utiliser le droit communautaire à leur profit. Le Parlement européen s’est inquiété récemment du fait que la disparition des contrôles physiques aux frontières s’était traduit par un accroissement considérable des fraudes. Le commissaire européen Mario Ponti, entendu pour la circonstance, a reconnu que ce risque avait été sous-évalué. Diverses mesures de coopération, en particulier douanière – avec le projet d’une unification des pratiques en attendant une douane unique –, de centralisation des informations, de renforcement des sanctions etc., seraient en cours d’étude. Les plus extrémistes des parlementaires en concluaient que ce constat était un "hymne aux frontières nationales". Il est certes possible d’en déduire la nécessité de resserrer la vis au plus vite. Mais pour éviter toute précipitation, il faut peut-être éviter de tout mettre au débit de l’ouverture des frontières.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°38 du 16 mai 1997, avec le titre suivant : Trafics dans la Communauté

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