« Plus tu produiras… »

Affiches soviétiques, pots d’apothicaire, livres reliés…

Le Journal des Arts

Le 30 mai 1997 - 991 mots

Plusieurs ventes de curiosités se dérouleront à Drouot en juin. Des affiches soviétiques aux ouvrages du XXe siècle sur \"grand papier\" reliés avec art, des émaux anciens du Limousin aux pots d’apothicaire, ces dispersions proposées par les études Ricqlès, Binoche, Tajan et Poulain-Le Fur offrent une vision éclectique du marché parisien.

PARIS. Le 4 juin, Me Binoche mettra en vente une collection privée centrée autour d’une spécialité encore inhabituelle : les affiches russes et soviétiques de 1910 à 1950. Estimés entre 1 000 et 100 000 francs, ces trois cents lots comprennent également des cartes postales et offrent un point de vue très intéressant sur la conception visuelle de l’affiche de propagande. Le constructivisme y est présent avec Maïakovski, Ma­le­vitch, Victor Deni, qui ont apporté leur contribution à ces réalisations graphiques. Particu­lièrement recherchées, les affiches de propagande simples et belles des années vingt sont un des points forts de la vente. Il y a notamment une exceptionnelle série de douze affiches de l’agence de télégraphie soviétique Okna Rosta, puissant vecteur de propagande. L’affiche est le support de slogans de motivation destinés aux travailleurs : Applique-toi dans ton travail... Plus tu produiras, plus grande sera la prime... La vente se poursuit avec un ensemble d’affiches de Klucis représentant Lénine, Staline, Marx, et des lithographies glorifiant les récoltes annuelles de pommes de terre et l’industrialisation. Avec les années cinquante apparaissent des thèmes nou­veaux : la jeunesse, le théâtre, le cinéma…

Reliures de Pierre-Lucien Martin
Les 2 et 3 juin, l’étude Poulain-Le Fur proposera la deuxième et dernière vente de la bibliothèque Henri Paricaud, avec des éditions originales de livres illustrés du XXe siècle, mis en valeur par de magnifiques reliures. Ces tirages limités sur "grand papier" sont imprimés sur un support plus luxueux, comme le hollande ou le japon, un papier qui garantit une pérennité. Selon l’expert Claude Blaizot, Henri Paricaud avait demandé à un certain nombre de relieurs de réaliser un dos orné différent pour chaque écrivain, ce qui donne une impression presque musicale à l’ensemble proposé ici. Les ouvrages de Saint-John Perse sont les plus élaborés, avec des reliures de Pierre-Lucien Martin. Celle de Vents (1946), avec ses cercles concentriques noirs et blancs, est particulièrement réussie. Elle est estimée 60 000 francs, tout comme la reliure surréaliste de Georges Leroux pour Artine  (1930) de René Char, centrée autour de deux yeux. Du même auteur, Le Marteau sans maître (1934), avec une reliure rythmée et géométrique de Pierre Lucien-Martin, est estimé 120 000 francs. D’autres réalisations de ce relieur ludique et créatif sont à signaler : Le Rivage des Syrtes de Gracq (1951), estimé 40 000 francs, une série d’ouvrages d’Aragon estimés entre 4 000 et 10 000 francs, et de Beckett, jusqu’à 4 000 francs l’exemplaire.

Tapisserie héraldique de Felletin
L’étude Ricqlès présentera le 18 juin un ensemble d’objets de curiosité et Haute Époque, rassemblés avec le concours de l’expert Robert Montagut, un personnage haut en couleurs. Ancien pharmacien et collectionneur, ce dernier avait reconstitué rue de Lille l’atmosphère d’une "apothicairerie", avec des boiseries anciennes venant d’Avignon. Il a également lancé le marché des pots à pharmacie. Il n’est donc guère surprenant de trouver dans cette vente deux mortiers gothiques en bronze, dont l’un, fondu à Nuremberg au XVe siècle, porte des motifs de "têtes d’orientaux" (est. 150-180 000 francs). Parmi les plus belles pièces, une rare tapisserie héraldique tissée à Felletin près d’Aubusson, fin XVe-début XVIe, pourrait atteindre 500 à 600 000 francs. Ornée d’une bordure millefleurs, elle porte les armes de Robert de Chabot et de son épouse et vient d’une tenture dont une partie se trouve dans une collection privée à New York, et l’autre au château de Talcy, dans le Loir-et-Cher. Datée vers 1510-1525, une tapisserie des Flandres en laine et soie représentant une scène de cour est estimée 400 à 500 000 francs. Très rarement proposés en ventes publiques, des émaux champlevés de Limoges patinés par le temps sont à remarquer. Une châsse ciselée à motifs géométriques, datée du XIIIe siècle, est estimée 120 à 150 000 francs, malgré plusieurs manques. Datant du début du XIVe siècle, un chandelier "de voyage" et une croix de procession florencée venant d’Ariège ont reçu respectivement l’estimation de 80-90 000 francs et 70-80 000 francs. Décoré de coquilles Saint-Jacques, un somptueux coffre hispano-flamand en chêne couvert de cuivre gaufré, gravé et doré, vers 1500, est également évalué 70 à 80 000 francs. Les bronzes italiens de la Renaissance sont représentés notamment par deux statuettes, La Guerre  et La Paix, attribuées au Vénitien Giulio del Moro, fin XVIe-début XVIIe siècle (est. 120-140 000 francs). Les faïences de Faenza, Albarello, Deruta forment un agréable ensemble, avec un très beau plat d’Urbino, sur le thème de la Révélation des oreilles d’âne du roi Midas,  attribué à l’atelier de Guido Durantino, vers 1545 (est. 60-80 000 francs).

Huile de scorpion
Chez Me Briest, le 20 juin à Drouot Montaigne, la collection Louis Cotinat fait elle aussi la part belle aux céramiques italiennes, à travers la variété des magnifiques pots à pharmacie réunis avec passion et érudition par ce pharmacien et collectionneur de la rue de Grenelle, disparu l’an dernier. Estimés 3 000 à 7 000 francs, des flacons en verre italiens ou allemands du XVIe au XVIIIe siècle portent des inscriptions cabalistiques qui se réfèrent à leur contenu pharmaceutique. Pilules de ciguë, sirop d’absinthe, huile de petits chiens, huile de scorpion, Mithridate, graisse humaine sont autant de composants étranges qui figurent sur ces pots d’apothicaire. Portant la mention "A.CICOREA" (eau de chicorée), une superbe bouteille de Deruta représentant une femme allongée, vers 1525, à dominante bleue et jaune, est estimée 180 à 200 000 francs. Deux remarquables Albarelli à décor orange et bleu se distinguent également, l’un réalisé en Toscane vers 1480-1500 est estimé 180-220 000 francs, l’autre représentant un soldat, ouvrage de Rouen vers 1545, 160-180 000 francs. Un joli petit Albarello de Montelupo, vers 1485, estimé 70-80 000 francs, porte un décor de feuilles "hispano-mauresque".

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : « Plus tu produiras… »

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