Art moderne

Douze Van Gogh sortis de l’ombre

On découvre aussi des œuvres authentiques

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 30 mai 1997 - 1403 mots

Si tout le monde a rêvé de découvrir un jour un Van Gogh inconnu, bien peu ont eu cette chance. Cependant, la découverte aux Pays-Bas d’un Portrait de femme vient d’être annoncée. Ce dessin, resté en mains privées, n’avait jamais été reproduit, et il sera mis en vente chez Christie’s à Amsterdam le 4 juin. Nous avons établi une liste de douze œuvres généralement reconnues authentiques depuis les années quatre-vingt, malgré, parfois, la réserve de certains experts.

"Nous recevons un flot constant de demandes d’expertise d’œuvres que leurs propriétaires espèrent voir attribuer au célèbre peintre," explique Ronald De Leeuw, ancien directeur du Musée Van Gogh aujourd’hui à la tête du Rijksmuseum, "mais le personnel du musée, qui perd un temps fou à les examiner, livre presque toujours une réponse négative". Cependant, le contraire n’est pas impossible et, quelquefois, apparaissent des œuvres authentiques. Voici une liste de douze œuvres généralement reconnues authentiques depuis les années quatre-vingt, bien que, dans certains cas, les experts ne soient pas tous d’accord. Nous avons exclu un certain nombre de dessins du Musée Van Gogh, non répertoriés dans les catalogues Hulsker ou de la Faille, qui ont été reproduits dans le catalogue du musée ou dans l’étude de Johannes van de Wolk sur les carnets d’esquisses. Bien qu’assez peu connues jusqu’à ces derniers temps, ces œuvres, qui proviennent de la collection Théo Van Gogh, ne peuvent être véritablement considérées comme des découvertes.

Portrait de femme. Ce dessin au crayon a été authentifié par Sjraar Van Heugten, conservateur au Musée Van Gogh. Il date du printemps 1882 et ressemble à une œuvre d’un format légèrement plus petit appartenant à une collection hollandaise (H352). L’un et l’autre représentent Sien, l’ancienne prostituée avec laquelle vivait Van Gogh à La Haye, ou peut-être la mère de celle-ci. Le critique Hendricus Bremmer avait découvert ce dessin au début du siècle, le recommandant à la collectionneuse Hélène Kröller-Müller, qui le donna à sa fille. Il fut ensuite offert comme cadeau de mariage à son actuel propriétaire hollandais, dans les années quarante. Estimé 50 à 70 000 florins (150-210 000 francs), le dessin sera mis en vente chez Christie’s à Amsterdam le 4 juin.

Paysage balayé par le vent avec femme et enfant. Refusé par de la Faille, ce dessin a longtemps été écarté et considéré comme un faux. Mais l’année dernière, après un examen plus approfondi, le Musée Van Gogh l’a finalement reconnu authentique. Dessin au crayon rehaussé d’encre, il a été exécuté sur un papier brun-rosé filigrané, semblable à celui de trois œuvres authentiques. Le conservateur Sjraar Van Heugten le date d’avril-mai 1883, lorsque Van Gogh vivait à La Haye. Il se trouvait dans une collection privée allemande et a été acquis en 1994 par le marchand hambourgeois Thomas Le Claire.

Nature morte avec fleurs. Découvert en Suisse, ce bouquet d’asters – apporté par la galerie zurichoise Feilchenfeldt – a été authentifié par le Musée Van Gogh en 1995. Malgré un "Vincent" très visible tracé au pinceau rouge, le tableau, acheté en France sur un marché aux puces après la Seconde Guerre mondiale, a été relégué dans un grenier. Il est maintenant daté de l’automne 1886, lorsque Van Gogh se trouvait à Paris. Cette étude est exécutée dans la palette aux couleurs vives nouvellement adoptée par l’artiste, où les fleurs se détachent intensément de leur vase bleu sur un fond brun foncé. Chose rare pour un Van Gogh, la toile n’a jamais été restaurée. Elle appartient toujours à une collection privée.

Homme dans un paysage de neige. Cette aquarelle, rehaussée d’encre et de crayon, est une copie de la lithographie de Josef Israëls intitulée Hiver. Dans une lettre à Théo du 19 mai 1877, Vincent en donne la description suivante : "un pauvre homme sur une route d’hiver enneigée". Une copie de la lithographie d’Israëls figure dans un des carnets de dessins de Van Gogh. Signée "Vincent", cette version à l’aquarelle date de son séjour à Amsterdam au milieu de l’année 1877, lorsqu’il se préparait à des études de théologie. La galerie Bockweg de Epe l’a achetée dans une vente hollandaise de province. Sjraar Van Heugten, conservateur au Musée Van Gogh, qualifie cette attribution de "quasi certaine".

Vase avec fleurs. Cette nature morte parisienne a été découverte à Milwaukee (États-Unis) en 1990. Elle aurait été acquise par un banquier de Zurich entre 1910 et 1930, et léguée à un couple américain. Le Musée Van Gogh a authentifié cette peinture à l’huile en comparant les coups de pinceaux caractéristiques de l’artiste, les couleurs et la composition aux natures mortes exécutées au cours de l’été 1886, lorsque Van Gogh vivait à Paris. On ne retrouve cette signature – un simple "V" – que sur un seul autre tableau du peintre. En mars 1991, cette toile a été enlevé l’enchère de 750 000 dollars dans la salle des ventes Leslie Hindman à Chicago.

Paysage avec arbres. Cette aquarelle pleine d’atmosphère a été montrée pour la première fois en 1990, lors de l’exposition des dessins de Van Gogh au Musée Kröller-Müller. Johannes van der Wolk, son conservateur, l’a datée de septembre 1883, époque à laquelle Van Gogh habitait Drenthe. Le papier a le même filigrane que celui d’une autre œuvre authentifiée. L’aquarelle a été acquise par le marchand de Rotterdam Oldenzeel, qui avait acheté le fonds d’atelier de Van Gogh à Nuenen, et a été vendue aux enchères en 1904. Elle fait actuellement partie d’une collection privée.

Le vase aux jonquilles. Autre nature morte parisienne, datant probablement du printemps 1886, elle a été authentifiée en 1988 par le Musée Van Gogh, où elle est restée en prêt quelque temps. Cette nature morte était dans une collection privée depuis les années vingt et n’a pas été reproduite jusqu’à son exposition au Musée Van Gogh, en 1988. Ronald Pickvance l’a datée d’avril 1885, bien qu’elle puisse avoir été peinte à Paris au printemps de l’année précédente. Un examen aux rayons X a révélé la présence d’une composition antérieure, avec un paysage, un moulin et des fermes. Caractéristique inhabituelle, il s’agit d’une huile sur carton. Elle est aujourd’hui à nouveau dans une collection privée.

Petite ferme. Cette huile sur toile est datée de juin-juillet 1885, à Nuenen. Récemment découverte, elle a été vendue 83 600 livres chez Sotheby’s, les œuvres de jeunesse de Van Gogh n’atteignant pas les prix considérables de ses dernières toiles. Le 22 mars, mise en vente à Drouot chez l’étude Laurin-Guilloux-Buffetaud à la demande de l’administration des Douanes, elle a été adjugée 1,18 million de francs. D’après certaines sources, elle serait maintenant dans une collection hollandaise.

Paysan agenouillé devant une cabane. Cette aquarelle est datée de septembre 1883, quand Van Gogh vivait à Drenthe. Elle représente peut-être l’une de ces jeunes femmes auxquelles Vincent fait allusion dans une lettre à Théo, peu après son arrivée : "J’ai vu quelques filles de dix-sept ans, très fraîches et très belles, même de traits, alors que généralement elles semblent fanées à un très jeune âge". L’aquarelle a appartenu à diverses collections hollandaises et n’avait jamais été répertoriée. Elle a été vendue  41 000 dollars chez Christie’s en 1986 et reconnue authentique par le Dr Heenk.

Oliviers à Montmajour. Ce beau dessin à l’encre a été exécuté en juillet 1888 à Montmajour, une abbaye en ruines aux environs d’Arles. Henri van Cutsem l’avait confié au Musée des beaux-arts de Tournai en Belgique, en 1925, mais il fallut attendre 1957 pour qu’il soit répertorié et authentifié par un conservateur de musée. Il est resté ignoré de la plupart des spécialistes de Van Gogh jusqu’en 1984, lorsqu’il a figuré dans l’exposition "Van Gogh à Arles" organisée par Ronald Pickvance au Metropolitan Museum de New York.

Homme debout les brois croisés. Ce dessin au crayon a été répertorié pour la première fois en 1983 par Martha Op de Coul, qui l’a daté de mars-avril 1882. Il s’agit d’une étude de personnage pour un dessin important, représentant un Entrepôt de séchage des poissons (H152) et exécuté en mai 1882 à Scheveningen, port voisin de La Haye. Il appartient à une collection privée. Promeneurs dans un parc. Cette peinture à l’huile date de l’automne 1886, à Paris. Elle a été présentée pour la première fois à l’exposition "Vincent Van Gogh et la naissance du Cloisonnisme", organisée en 1981 par Bogomila Welsh Ovcharov à Toronto et Amsterdam. Le tableau, non répertorié auparavant, provient des héritiers du critique d’art Albert Aurien et appartient aujourd’hui à une collection privée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : Douze Van Gogh sortis de l’ombre

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