Un nouvel épisode du mystère de la chambre d’ambre

Peut-être une chance supplémentaire pour les négociations germano-russes sur les prises de guerre

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 30 mai 1997 - 587 mots

Par deux extraordinaires coïncidences, la découverte à Brême d’un fragment de la "chambre d’ambre" a été rendue publique le jour même où le Parlement de Russie déclarait propriété russe les œuvres saisies par l’Armée rouge en Allemagne, et deux jours avant que la Russie ne reçoive plus d’une tonne d’ambre précisément destinée à la reconstitution de ce décor dans l’ancien palais de Tsarskoïe Selo.

BONN. La mosaïque découverte le 13 mai chez un notaire de Brême mesure 55 x 70,5 cm et représente des personnages marchant dans un verger. Après avoir mis en doute son authenticité, confirmée depuis par des spécialistes russes et allemands, les présidents des deux chambres du Parlement russe ont demandé que ce fragment soit restitué à la Russie, en dépit du fait que les représentants russes n’ont cessé, ces derniers mois, de dresser des obstacles à la restitution par Moscou des biens culturels saisis par l’Armée rouge. Le 14 mai, la chambre haute du Parlement entérinait même la loi déclarant "propriété russe" ce trésor de guerre, malgré le veto du président Boris Eltsine qui a menacé de saisir la Cour constitutionnelle. Néanmoins, l’importance symbolique de cette découverte aux yeux des Russes a poussé le président du Conseil de la Fédération (chambre haute), Egor Stroïev, à déclarer que cette loi avait été adoptée "sous le coup de l’émotion", à un moment où l’anniversaire de la victoire de 1945 rappelle aux membres du Conseil de la fédération "leur responsabilité envers les anciens combattants".
 
Fils d’un soldat de la Wehrmacht
"Je pense qu’avec le temps, nous arriverons à trouver une bonne solution", a-t-il ajouté. "La question de la restitution ne se pose pas", a affirmé de son côté le procureur général de Berlin, Ruediger Schmidt. Le magistrat a invoqué la loi allemande qui stipule qu’un bien, même étranger, devient au bout de dix ans propriété de son détenteur si celui-ci en a fait l’acquisition "de bonne foi". Ruediger Schmidt a cependant spécifié qu’on ignorait encore qui avait fait entrer la mosaïque en Allemagne et qui en avait été le propriétaire depuis 1944. Manhard Kaiser, le notaire chez qui la mosaïque a été saisie, s’est contenté de révéler que la fille de son mandataire vivait aux États-Unis, que sa femme était gravement malade et qu’il avait un pressant besoin d’argent. Selon la police allemande, l’homme en question pourrait être le fils d’un soldat de la Wehrmacht ayant participé au pillage de Tsarskoïe Selo et décédé en 1978. Quant à la chambre d’ambre elle-même, la découverte de la mosaïque ne permet pas de savoir où elle se trouve aujourd’hui, a déclaré un des responsables de l’enquête, Peter Schultheiss, qui s’était présenté le 13 mai chez le notaire de Brême en se faisant passer pour un acheteur potentiel.

Disparue depuis 1944
Recouverte de 55 m2 d’ambre et ornée d’objets précieux (mosaïques florentines, incrustations en or…), la chambre d’ambre a été offerte en 1716 par le roi de Prusse Fréderic-Guillaume Ier au tsar Pierre Ier. Sur décision de Catherine II, elle fut installée en 1752 au palais de Tsarskoïe Selo, construit par Rastrelli près de Saint-Pétersbourg. Démontée en 36 heures par des soldats de la Wehrmacht, la chambre a rejoint le château de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad) en 1941, avant que sa trace ne se perde en 1944, lors de la retraite des troupes allemandes. Certains estiment que le trésor a été détruit dans l’incendie du château de Königsberg en 1945 ; d’autres pensent qu’il a été rapporté en Allemagne de l’Est lors de l’avancée de l’Armée rouge vers Berlin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : Un nouvel épisode du mystère de la chambre d’ambre

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