La nouvelle gamme des moyens de dissuasion

La protection à domicile, efficace sinon infaillible

Le Journal des Arts

Le 13 juin 1997 - 1083 mots

Cibles privilégiées des cambrioleurs, les particuliers peuvent se protéger en s’équipant de portes blindées et de systèmes d’alarme. Mais ces moyens de protection efficaces ne peuvent offrir une garantie absolue contre le vol.

La plupart des vols d’œuvres et d’objets d’art ayant lieu chez les particuliers (lire encadré), les services de police, les associations de particuliers et les assureurs conseillent aux propriétaires privés de commencer par s’équiper de moyens de protection mécaniques et électroniques pour dissuader les cambrioleurs. Selon le Centre de documentation et d’information de l’assurance (CDIA), il est primordial d’équiper la porte d’entrée de serrures certifiées A2P par les assureurs, voire d’un blindage avec des cornières anti-pince. En effet, dans huit cambriolages d’appartement sur dix, les voleurs pénètrent par la porte. La certification A2P (Assurance - Prévention - Protection) est un label accordé aux serrures après une série de tests effectués dans les laboratoires du Centre national de prévention et de protection (CNPP), suivant les normes définies par l’APSAD (Assemblée pléinière des sociétés d’assurance dommage). La certification A2P est gravée sur la clé, avec une, deux ou trois étoiles suivant la résistance de la serrure à l’effraction. En cas de problème, il est plus facile d’exercer un recours contre un installateur agréé.

Fenêtres, volets, lucarnes
Les fenêtres doivent aussi être protégées, notamment dans les villas, car les cambrioleurs choisissent aussi cette issue pour commettre leur effraction. Les volets sont les premiers obstacles que rencontrent les voleurs, et les volets pleins sont plus résistants que les persiennes, qui laissent passer l’air et la lumière. Il est conseillé de renforcer leur fermeture à l’aide d’une barre de métal placée horizontalement à mi-hauteur. Quant aux lucarnes, il est possible de les protéger en y plaçant des barreaux ou une grille en acier. Les protections électroniques sont considérées comme un complément des protections mécaniques, mais les systèmes les plus coûteux ne sont pas obligatoirement les plus efficaces. Le déclenchement d’une alarme a l’avantage de faire fuir le voleur dans la plupart des cas. Il est conseillé de faire installer ce système de protection par des professionnels reconnus, qualifiés APSAD. Si la protection électronique est mal installée, elle peut se révéler complètement inefficace. Certains professionnels conseillent plutôt une sirène intérieure qui traumatise les intrus, persuadés que le hurlement s’entend de partout. Les sirènes extérieures ont l’inconvénient de gêner les voisins en cas de déclenchement intempestif, certains propriétaires préférant souvent la débrancher pour éviter des querelles de voisinage. La télésurveillance est une autre solution à envisager. L’alerte est donnée aux policiers, mais ceux-ci arrivent souvent trop tard. La présence des cambrioleurs peut être détectée de différentes manières. Avec la détection volumétrique, l’intrus est repéré quand il coupe le faisceau des ondes ultrasonores ou de rayonnement infrarouge. La détection périmétrique se déclenche lors des contacts, des chocs ou à l’ouverture des portes et fenêtres. Toutefois, ce système, long et fastidieux à mettre en place, est sensible aux aléas atmosphériques, aux coups de vent par exemple. Les solutions "kit" – systèmes d’alarme sans fils à poser soi-même – sont à déconseiller car trop faciles à neutraliser.

Inventaire et marquage
Ces systèmes de protections mécaniques et électroniques ne dispensent pas d’assurer ses biens, d’autant plus qu’ils ne constituent pas un moyen infaillible contre les voleurs, notamment les cambrioleurs "professionnels". Organisés et efficaces, ceux-ci savent ce qu’ils cherchent, à qui et combien ils le vendront. Ainsi, en décembre dernier, des voleurs se sont introduits de nuit par une fenêtre dans le château Charlottenhof à Potsdam, en Allemagne, et ont emporté un tableau du paysagiste allemand Caspar David Friedrich, Vue d’un port. Ils avaient déclenché l’alarme électronique en décrochant le tableau, mais avaient déjà disparu lorsqu’était intervenue une équipe de surveillance. Les policiers spécialisés dans la lutte contre le vol des objets d’art et les associations de particuliers conseillent donc fortement aux propriétaires d’anticiper un vol en procédant à l’inventaire de leurs biens et, si possible, au marquage de leurs objets. L’association SOS Œuvres d’art founit à ses adhérents des fiches descriptives qui serviront à la police en cas de vol. Depuis 1995, l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC), ancien Office central pour la répression du vol d’œuvres et d’objets d’art (OCRVOOA), a mis au point une banque de données-images – la photothèque Treima (Thésauraus de recherche électronique et d’imagerie en matière artistique) ­– pour lutter contre le vol d’œuvres d’art. Cette banque de données est alimentée par les photos et les fiches descriptives fournies par les particuliers. Un dossier-type d’identification mis au point par l’Office est disponible dans les commissariats et les gendarmeries. L’outil informatisé procède à des comparaisons entre les objets d’art retrouvés dans des conditions suspectes et ceux qui ont été déclarés volés.

Mais la police de l’art se heurte aux réticences des particuliers à faire un inventaire sérieux de leurs biens. "S’ils réalisent eux-mêmes les photos, elles ne sont souvent pas exploitables. D’autre part, les particuliers ne sont pas prêts à faire entrer chez eux des professionnels par crainte que les photos tombent entre les mains de cambrioleurs", remarque Jean-Yves Poutiers, qui a tenté avec sa société Art et Services de proposer, sans succès, ce type de prestation. Le marquage des objets ne rencontre pas davantage de succès, et les techniques les plus sophistiquées ont bien du mal à se développer. Celles-ci, de la résine fluorescente à la peinture odoriférante repérée par des chiens, ne se révèlent pas toujours très fiables et sont souvent coûteuses. L’idée d’une homologation des systèmes de marquage par le ministère de l’Intérieur a été lancée au début des années quatre-vingt-dix mais n’a guère progressé depuis. En début d’année, Philippe Douste-Blazy avait souhaité que "soit définie et reconnue au plan international une norme technique permettant l’identification et le marquage des biens culturels" et que "l’effort de recherche en vue de définir un procédé fiable de marquage des œuvres d’art soit intensifié en 1997". En attendant, la police conseille aux particuliers de marquer eux-mêmes leurs objets, même sommairement.

Les vols d’objets d’art en France en 1996
Les vols d’objets d’art en France, en 1996, ont baissé de 5 % par rapport à l’année précédente, ce qui représente un peu plus de 5 400 objets volés, dont 47 dans des musées. La France reste toutefois l’un des pays les plus pillés au monde en matière d’objets d’art, avec l’Italie.
Musées 47
Lieux de culte 173
Châteaux et maisons bourgeoises 572
Galeries et magasins 85
Autres habitations 4 576
Total 5 453
(statistiques de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : La nouvelle gamme des moyens de dissuasion

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