Comment éviter des malentendus ou des surprises

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 13 juin 1997 - 1001 mots

L’assurance fait l’objet, en France, d’une réglementation spécifique. Une police d’assurance ne se lit donc pas comme un contrat de droit commun. Pour éviter les malentendus ou les surprises, il faut garder à l’esprit quelques singularités du droit des assurances et de la structure des documents contractuels.

Une police d’assurance est généralement constituée de deux documents : les conditions particulières, qui sont directement fonction du risque assuré et les conditions générales, qu’on ne lit généralement pas mais qui s’appliquent cependant, sauf mention expresse de la police. Il faut souligner que le contrat d’assurances est analysé comme un "contrat d’adhésion", unilatéralement établi par la compagnie, la seule option du souscripteur étant de l’accepter sans modification. Cette qualification donne à l’assuré une garantie supplémentaire, dans la mesure où il apparaîtrait que certaines clauses sont ambiguës : dans ce cas, en effet, le droit français prévoit que l’interprétation des dispositions obscures doit être faite en faveur du "débiteur" (donc ici, de l’assuré). D’autre part, les exclusions, c’est-à-dire les dispositions de la police écartant certaines garanties, doivent être mentionnées de façon très apparente. En examinant le contrat, il faudra porter attention aux points suivants, en particulier dans les polices dites déclaratives, celles dont les conditions particulières sont établies sur la base des déclarations de l’assuré.

Les œuvres couvertes : il faut examiner la définition des biens couverts et les exclusions qui doivent figurer clairement dans la police. Souvent, sont exclues les espèces, sauf éventuellement et dans une limite précisée, les valeurs conservées dans un coffre aux caractéristiques techniques conformes aux normes de l’APSAD (Assemblée plénière des sociétés d’assurance dommage, qui définit les normes techniques à respecter et donne un agrément spécial aux constructeurs de dispositifs de protection). Cette exclusion peut souvent être étendue aux bijoux et aux collections de timbres ou de monnaies. Si l’exclusion doit normalement être explicite, elle peut également résulter de la définition des biens couverts. En matière d’œuvres et d’objets d’art, il n’y a pas de définition réglementaire à laquelle les polices pourraient renvoyer. Selon les polices et les compagnies, la définition peut résulter d’une liste détaillée et limitative des objets d’art, ou objets de valeur ou "précieux" (ce sont les expressions les plus couramment utilisées dans les polices), ou d’un seuil par objet exprimé en valeur absolue (par exemple, les objets d’une valeur unitaire supérieure à ....), ou par référence à l’indice de souscription qui apparaît dans les conditions particulières (par exemple, 300 ou 400 fois l’indice). Évidemment, si les exclusions ou les définitions aboutissaient à écarter de la garantie un bien que l’on souhaite assurer, il faut obtenir une mention de couverture dans les conditions particulières.

Les risques garantis : en matière d’œuvres d’art, la garantie vol est à la fois la plus coûteuse et celle que les assureurs encadrent le plus strictement. Selon que la garantie vol est ou n’est pas souscrite, la prime peut être divisée plusieurs fois.

Les montants garantis : dans les polices multirisques, dites aussi "chef de famille", généralement souscrites pour garantir un immeuble (incendie, dégâts des eaux, bris de glaces...), mais s’étendant à son contenu (vol, vandalisme...) et à ses occupants (responsabilité civile), le montant couvrant les œuvres d’art est généralement exprimé par référence à la valeur totale du contenu assuré : le plus souvent de 20 à 30 %. Dans les polices déclaratives, il appartient à l’assuré de vérifier, après calcul, que le montant "œuvres d’art" est à peu près égal aux valeurs à couvrir. Faute de quoi, il pourrait être exposé aux effets de la règle proportionnelle de capitaux ou à une indemnisation mathématiquement plafonnée, même si la police renonce à l’application de la règle proportionnelle.

Les règles proportionnelles : elles se déduisent du droit commun de l’assurance et n’apparaissent donc pas dans les polices, sauf si l’assureur a accepté d’en exclure l’application. Il peut le faire pour un risque bien décrit, dont les caractéristiques correspondent aux moyennes statistiques. Dans ce cas, la renonciation de l’assureur aux règles proportionnelles doit apparaître en clair dans la police. Ces règles autorisent l’assureur à réduire proportionnellement l’indemnité si, après sinistre, il apparaissait que la valeur réelle des œuvres est supérieure à la valeur déclarée. L’idée, puisque l’assurance dommage n’est pas obligatoire en France – sauf pour les véhicules à moteur –, est de considérer l’assuré comme son propre assureur pour les capitaux excédant le plafond garanti et, après conversion en pourcentage de la fraction pour laquelle le client est son propre assureur, d’appliquer un abattement correspondant à l’indemnité. La règle proportionnelle de primes sanctionne les aggravations de risques qui n’auraient pas été déclarées (par exemple, inoccupation d’une résidence secondaire, absence de protections passives –  volets, barreaux serrures de sécurité –, stockage de produis dangereux etc. ). Dans ce cas, l’assureur peut réduire l’indemnité au prorata des majorations de la prime qu’il aurait été fondé à réclamer s’il avait eu connaissance des risques accrus. Il faut signaler que les règles proportionnelles ne valent pas absolution, moyennant participation aux pertes des insuffisances de déclaration. S’il était prouvé que ces insuffisances sont délibérées, elles resteraient sanctionnées par la déchéance du droit à indemnité.

Le "principe indemnitaire" : il s’oppose à ce que l’assurance dommage puisse être source d’enrichissement. Ce principe est d’ordre public, afin d’éviter d’encourager les sinistres volontaires. On ne peut donc y déroger contractuellement, alors que tel est le cas pour les règles proportionnelles. Toutefois, par le jeu des pertes indirectes qui sont admises, il est possible de prendre en compte plus que la seule valeur des objets endommagés, détruits ou volés. Dans ce cas, sera stipulée une couverture des pertes indirectes, généralement calculée à 5 ou 10 % du montant des dommages. Ce principe indemnitaire est également applicable aux polices en valeur agréée, dites "tous risques", couvrant spécifiquement les œuvres d’art. Toutefois, l’expertise régulière des objets garantis limite le risque, et pour des raisons commerciales, les compagnies évitent de se prévaloir du principe indemnitaire si une baisse soudaine des cotes se traduit, à la date du sinistre, par une valeur sensiblement inférieure à la dernière valeur expertisée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : Comment éviter des malentendus ou des surprises

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