Assurances : l’art d’équilibrer tous les risques

S’assurer sans négliger les incidences fiscales

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 13 juin 1997 - 888 mots

Les polices d’assurance couvrant les œuvres et objets d’art peuvent être utilisées par le fisc pour évaluer les actifs mobiliers, en particulier à l’occasion des successions. Toutefois, certaines polices ne sont pas soumises à déclaration à l’administration. Le choix d’une formule d’assurance consiste donc à trouver un équilibre entre une couverture adaptée et la gestion du risque fiscal.

Les articles 1649ter G et 1756 quinquies du Code général des impôts (CGI) font obligation aux compagnies d’assurance de déclarer annuellement les contrats couvrant des bijoux, des objets d’art, de collection ou d’antiquité pour un capital supérieur à 100 000 francs. Une amende fiscale de 5 000 francs par omission est prévue. L’article 805 impose également, cette fois sans seuil de valeur, la déclaration des polices au décès de l’assuré. Les œuvres d’art étant exonérées de l’impôt sur la fortune, ces dispositions visent d’abord les successions, car elles peuvent permettre à l’administration de prouver d’éventuelles sous-évaluations ou omissions dans les déclarations. Se pensant couverts par le 5 % "forfaitaire" qui concerne les meubles meublants, les ayants droit risquent de se voir opposer les informations résultant des polices d’assurance. En effet, le CGI prévoit que si l’évaluation de l’actif successoral résulte d’un acte établi – inventaire, même réalisé sous seing privé, partage (par notaire, expert ou autre), transmission du legs – dans les cinq ans du décès, elle ne peut être inférieure à celle figurant dans les contrats d’assurance encore en vigueur au moment de celui-ci, qu’ils couvrent le vol ou d’autres sinistres, sous réserve que ces contrats aient été souscrits moins de dix ans avant le décès. Un contrat de plus de dix ans peut même être opposé à l’héritier, dès lors qu’un avenant ou une autre modification des conditions du contrat seraient intervenus moins de dix ans avant le décès. Évidemment, le fisc utilise ces éléments d’information, et ces dispositions sont généralement considérées par les compagnies comme un frein important à la souscription de polices.

Les polices multirisques
Pour limiter la portée de ces textes, l’assuré peut cependant utiliser des polices multirisques couvrant le plus souvent un immeuble et son contenu, et jusqu’à la responsabilité civile de l’assuré, pour un capital fixé, avec un pourcentage maximum du capital – de l’ordre de 20 % – couvrant les œuvres d’art (souvent dénommées objets précieux et définies par référence à une valeur minimum ou listées dans les conditions générales de la police). Une réponse ministérielle à la question d’un parlementaire a en effet précisé, il y a quelques années, que ce type de police n’était pas visé par la déclaration obligatoire, même si le plafond objets d’art prévu par la police dépassait 100 000 francs. Il semble que cette dispense porterait également sur la déclaration des polices en cas de décès. Toutefois, il ne faut pas oublier que les polices multirisques reposent sur les seules déclarations de l’assuré. En cas de sinistre, celui-ci peut être exposé à des abattements sur les indemnités par application des règles proportionnelles de capitaux ou de primes qui sanctionnent les sous-évaluations de valeurs à assurer ou la sous-estimation des risques, même si elles ont été faites de bonne foi (lire ci-contre). Une solution consiste à souscrire les polices directement auprès de compagnies étrangères. Il faut cependant noter que cette pratique est à risque. Et si le choix se porte sur une compagnie non implantée en France – ce qui garantit qu’elle n’est pas soumise à la réglementation française –, le problème peut se poser en cas de sinistre. En effet, si des difficultés pour liquider le dommage surgissaient entre la compagnie et l’assuré, il lui serait plus difficile de faire valoir ses droits à l’étranger, et évidemment impossible de saisir les autorités de tutelle. En France, les assurances sont placées sous le contrôle de services dépendant du ministère des Finances, qui peuvent intervenir si une compagnie ne remplit pas ses engagements.

L’administration dispose d’autres informations
Il faut toutefois se garder de considérer l’assurance comme la source exclusive des ennuis fiscaux en cas de succession. L’administration dispose de moyens qui s’appuient sur d’autres informations. Par exemple, la valeur nette de frais des biens vendus en vente aux enchères publiques dans les deux ans du décès est substituée d’office à la valeur déclarée, dans la mesure évidemment où le fisc en a connaissance. Le CGI prévoit même que la valeur ainsi établie est "irréfragable", ce qui signifie que même si on pouvait établir qu’au jour du décès – qui est en principe la date de référence –, la valeur était sensiblement inférieure au prix d’adjudication obtenu 15 à 20 mois plus tard, cette preuve ne serait pas opposable à l’administration. L’administration peut aussi se fonder sur tout autre élément, comme une expertise établie en vue de partage. Mais dans ce cas, à la différence du prix en vente publique, ceci ne constituera qu’un élément de preuve parmi d’autres.Il y aurait enfin des compagnies qui, pour tourner la réglementation, auraient conçu des polices sans capitaux déclarés ou, plus sûrement, des capitaux indexés sur des valeurs non monétaires. On en voit mal le fonctionnement, car même en supposant que l’on fasse référence au baril de brut ou au kilo d’acier, la compagnie devra déterminer une prime – qui supportera des taxes –, ce qui ouvrirait la voie à une conversion monétaire. On sait toutefois que les financiers ont autant d’imagination que l’État.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : Assurances : l’art d’équilibrer tous les risques

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