Cinq siècles de fêtes

Le Triomphe de l’architecture éphémère

Le Journal des Arts

Le 13 juin 1997 - 618 mots

Le Palazzo Venezia présente une exposition sur le thème de la fête à Rome et son utilisation par le Saint-Siège à des fins de propagande, depuis la Renaissance jusqu’à 1870. Cette manifestation destinée à commémorer la fondation de la Ville éternelle, il y a 2 750 ans, accorde une large place à l’architecture éphémère.

ROME. Vingt ans après la publication du célèbre ouvrage de Maurizio Fagiolo dell’Arco sur les célébrations de l’époque baroque, l’Effimero Barroco, à l’origine de très nombreuses études sur les festivités romaines, le Palazzo Venezia illustre le premier grand tour d’horizon de ce phénomène culturel, artistique, politique et religieux. Après avoir été le centre du monde civilisé, la caput mundi, Rome ne s’est pas résignée à jouer un rôle secondaire et, recourant à une stratégie diplomatique complexe, le Saint-Siège a tenu à réaffirmer son rôle dans le domaine spirituel, notamment en réaction à la menace que faisait peser la Réforme. La ville redevient alors la capitale mondiale de la fête, cette dernière étant utilisée efficacement à des fins de propagande par l’Église catholique à partir de la seconde moitié du XVIe siècle. Toutes les possibilités offertes par les arts et les techniques scéniques sont mises au service de ce moyen de communication résolument moderne afin d’émouvoir les Romains et éblouir les étrangers, qu’ils soient ambassadeurs ou simples visiteurs, par la splendeur et l’opulence des décors et des spectacles. Si la durée de la fête est brève, il faut que l’écho de la dévotion à la foi catholique et du prestige politique de l’Église romaine parvienne amplifié dans les cours européennes, grâce aux récits de ceux qui y ont assisté, aux relations publiques mises en place pour l’occasion et aux œuvres d’art présentées.

Reconstitutions tridimensionnelles
Les décors sont conçus par des architectes ou des peintres tels que Baldassare Peruzzi, Pierre de Cortone, le Cavalier d’Arpin, Carlo Fontana, Andrea Pozzo et Carlo Rainaldi, mais c’est surtout Le Bernin qui doit être considéré comme l’architecte-décorateur par excellence de l’âge baroque. On lui doit en efffet l’érection de catafalques au milieu des églises, l’invention de machines pyrotechniques et les mises en scène pour les fêtes liturgiques des quarante heures et les canonisations. Le décor éphémère est un des éléments fondamentaux de la recherche artistique en ce qu’il permet d’expérimenter, grandeur nature et souvent in situ, des idées et des effets scénographiques que les artistes utiliseront pour des architectures destinées à durer, voire pour des peintures et des sculptures. Parmi les transpositions monumentales décoratives majeures, il faut rappeler les interventions du Bernin dans la basilique Saint-Pierre – baldaquin, portique et tombeaux – et les fresques du Bacciccia pour la voûte de la nef et la coupole de l’abside du Gesù – la Gloire du nom de Jésus –, qui dérivent directement de décors créés pour l’exposition eucharistique des quarante heures. La transformation de l’espace urbain est également un élément important de ces fêtes. Les églises et les palais revêtent un aspect nouveau, grâce à la décoration des façades et des intérieurs, tandis que les grandes places publiques sont occupées par de grandes machines et la foule des spectateurs. À l’aide des technologies les plus avancées, de divers effets scénographiques et grâce à l’habilité des artisans, plusieurs catafalques et arcs de triomphe ont été reconstitués qui permettent aux visiteurs de l’exposition du Palazzo Venezia de se plonger dans le passé d’une ville fascinante, évoqué également par un très grand nombre de tableaux (Giovanni Paolo Panini, Filippo Lauri, Filippo Gagliardi, Andrea Sacchi, Bartolomeo Pinelli…), dessins, gravures et documents.

LES FÊTES ROMAINES DE LA RENAISSANCE À 1870, Palazzo Venezia, via del Plebiscito 118, Rome, tél. 39 6 679 88 65, tlj sauf lundi 9h-13h30, dimanche 9h-12h30. Catalogue édité par Umberto Allemandi en deux volumes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°40 du 13 juin 1997, avec le titre suivant : Cinq siècles de fêtes

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