Daniel Arasse : « Le sujet dans le tableau »

Daniel Arasse rédéfinit le rôle de l’iconographie

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 1997 - 467 mots

\"Tout peintre se peint\" : cette formule de la Renaissance, à la fortune changeante, est au cœur des analyses réunies dans ce volume. Pour percer les contradictions du \"sujet\", Daniel Arasse s’emploie aussi à redéfinir le rôle de l’iconographie.

Pour Daniel Arasse, on ne saurait regarder la peinture de trop près. Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, il avait publié en 1992 Le détail. Le sous-titre de cet essai, "pour une histoire rapprochée de la peinture", indiquait assez clairement les aspirations à fonder un nouveau rapport à l’œuvre d’art, rendu nécessaire, du reste, par l’importance prise dans les études d’histoire de l’art par la reproduction photographique. La proximité à l’œuvre ne doit pourtant pas annuler la distance, et il faut alors se satisfaire moins que jamais de ses premières apparences et de ses contenus manifestes. Le sujet dans le tableau  participe au fond de la même ambition et reprend inlassablement la question des rapports entre le voir et le savoir. Dans les sept études réunies ici – sur Mantegna, Di Cosimo, Bellini, Michel-Ange parmi d’autres –, Daniel Arasse se livre à des enquêtes d’autant plus exemplaires qu’elles s’apparentent souvent à la recherche d’une Lettre volée. Par exemple, même si les descriptions du studiolo du palais d’Urbino élaborées par ses prédécesseurs sont exhaustives, Daniel Arasse parvient à leur donner une véritable cohérence.

"Pour une iconographie analytique"
Pour parvenir à de tels résultats, il s’agit avant tout de ne pas considérer l’iconologie comme une méthode autosuffisante qui permettrait immanquablement de déchiffrer n’importe quelle peinture. Reprenant l’exemple canonique de Judith et Salomé, l’auteur rappelle qu’une même figure peut condenser les deux personnages. Il rappelle aussi que, de manière générale, tous les peintres sont loin d’être aussi orthodoxes et disciplinés que le suggérait Panofsky. Aussi convient-il d’être attentif aux écarts et aux différents processus de manipulation de la matière figurative. "Iden­tifier un écart revient à identifier ce que l’œuvre déforme à travers lui ; l’interpréter revient à percevoir comment s’opère cette transformation, et cerner l’enjeu de ce travail." Autrement dit, c’est quand la norme iconographique est transgressée que se trahit au mieux la subjectivité de l’artiste. À partir d’une erreur d’interprétation manifeste d’un étrange Mars et Vénus  de Piero di Cosimo par Vasari, Arasse démêle les fils de la personnalité de celui qui passe pour l’un des plus singuliers excentriques de la Renaissance et donne au détail sa juste place. Que l’on se rassure : la finalité de ces études n’est en rien psychologique. L’ambition de Daniel Arasse est tout autre : il tente de circonscrire la place de l’artiste lui-même dans son œuvre – une place qui n’est jamais acquise une fois pour toutes et qui échappe aux clichés de l’idée de personnalité artistique.

Daniel Arasse, Le sujet dans le tableau, éditions Flammarion, 160 p., 175 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : Daniel Arasse : « Le sujet dans le tableau »

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