Monte-Carlo joue les biennales

De salons en festivités, Monaco mise sur l’art

Le Journal des Arts

Le 4 juillet 1997 - 691 mots

Le 700e anniversaire de la dynastie des Grimaldi donnera un éclat particulier à la XIIe Biennale internationale des antiquaires, joailliers et galeries d’art, du 1er au 17 août, et à la VIe Biennale de sculpture de Monte-Carlo, jusqu’au 31 octobre, événements majeurs à ne pas manquer.

Événement monégasque sans précédent, une sélection d’œuvres de la collection princière, symboles de l’Histoire de la dynastie des Grimaldi fondée en 1297 – il y a sept siècles –, sera prêtée à titre exceptionnel à la Biennale des antiquaires. Ces pièces ont été montrées à Paris et Genève dans l’exposition "La Principauté de Monaco, 700 ans d’Histoire 1297-1997", qui sera présentée à Monte-Carlo du 15 au 19 octobre. Outre deux grandes tapisseries des Gobelins aux armes des Grimaldi et des portraits princiers attribués à Pierre Gobert, une pendule Louis XVI "à mouvement circulaire avec représentation du temps" sera exposée, ainsi qu’un diadème de diamants poires et brillants créé par Van Cleef & Arpels pour la princesse Grace de Monaco, à l’occasion du premier mariage de la princesse Caroline en 1978. Lancée en 1975 par Mario Bellini, Jacques Perrin et Maurice Segoura, la Biennale internationale des antiquaires, joailliers et galeries d’art a donné à Monaco une position sur le marché de l’art, confortée par l’installation de Sotheby’s puis de Christie’s dix ans plus tard, en 1985. Cette année, la XIIe édition accueille trente exposants, en majorité antiquaires. Huit nouveaux venus sont à signaler : Piero Corsini, de New York, David Halewin, de Milan et Paris, la galerie Fabien Boulakia, la galerie de Jonckheere, la galerie Odermatt, Virginie Pitchal, la galerie d’Orsay et la galerie Gilbert de Vriès. Jean-Gabriel Mitterrand, absent il y a deux ans, revient cette année. La Biennale attire toujours beaucoup d’Italiens, d’Américains, et une importante clientèle de la Riviera, les collectionneurs internationaux se déplaçant traditionnellement lors du week-end d’ouverture. Classicisme et qualité sont les points forts des pièces présentées cet été. Chez Maurice Segoura, un élégant bureau de pente Louis XV, estampillé de Jacques Dubois, côtoie une superbe commode Louis XVI de Charles Cressent, en placage de bois d’amarante, avec une somptueuse ornementation de bronze ciselé marqué au "C" couronné. La galerie Perrin expose une paire de commodes Louis XV en délicate marqueterie de bois de rose, bois de violette, amarante et sycomore à décor floral d’œillets, tulipes et roses, estampillées de Pierre Roussel. Un beau buste en marbre de Joachim Murat, probablement sculpté en Italie vers 1810 quand il était roi de Naples, est présenté chez Patrice Bellanger. Chez Sapjo, une précieuse tabatière ovale en or émaillé bleu, sertie d’émeraudes, de perles et d’opales, est l’ouvrage de Paul-Nicolas Menière, "bijoutier du Roy", en 1779. Fred Leighton dévoile un colllier très baroque de perles et de diamants auquel sont suspendues onze perles "spinelles" mogholes du XVIIe siècle. Trois de ces spinelles, qui ont l’éclat du rubis, sont gravées et datées entre 1603 et 1620, avec des mentions de "Jahangir, le plus grand Shah des Shahs". Collectionneur mythique de joyaux renommé à travers le monde, Jahangir (1569-1627) aurait transmis sa passion à son fils Shah Jahan, qui fit construire le Tâj Mahâl, édifice de marbre blanc incrusté de pierres semi-précieuses.

La VIe Biennale de Sculpture
Créée il y a dix ans par la Galerie Marisa del Re, la VIe Biennale de sculpture de Monte-Carlo souligne cette année le rôle historique de Monaco protecteur des arts en rendant hommage à deux princes mécènes, Honoré II et Antoine Ier. Elle ne perd cependant sa spécificité : la création du XXe siècle, représentée par 68 œuvres d’une cinquantaine d’artistes confirmés, dont Calder, Miró, Robert Indiana, Claes Oldenburg, Miguel Berrocal, Marino Marini, Keith Haring, Dubuffet, Karel Appel, Yuri Kuper, Arman, Niki de Saint-Phalle. Ces sculptures, exposées en plein air, s’intègrent au cadre naturel des jardins du Casino : les pièces figuratives aux Boulingrins, les animaux dans les jardins de la Petite Afrique, les sculptures de taille plus réduite dans l’Atrium du Casino.

XIIe Biennale Internationale des antiquaires, joailliers et galeries d’Art, du 1er au 17 août à l’International Sporting Club, place du Casino à Monte-Carlo, tlj de 16h à 21h.
VIe Biennale de sculpture de Monte-Carlo, jusqu’au 31 octobre.

L'Opus Sacrum en visite
Écrin baroque construit entre 1665 et 1675, le couvent des Visitandines accueille jusqu’au 31 décembre l’une des deux versions du tableau de Nicolas Poussin, La Fuite en Égypte, ardemment défendue par Denis Mahon et Anthony Blunt, aujourd’hui disparu, et contestée par Jacques Thuillier, professeur au Collège de France, qui a pris position pour l’autre version de cette toile, appartenant aux frères Pardo, marchands à Paris. Afin de permettre aux visiteurs de se forger une opinion au cœur de cette bataille d’experts, l’exposition présente des photographies comparatives et des panneaux explicatifs reprenant l’argumentaire de Denis Mahon. Ce dernier souligne notamment la "facture si particulière de Poussin" à la fin de sa vie, que l’on retrouve dans le tableau de la collection de la milliardaire Barbara Piasecka Johnson, exposé à Monaco. Venant également de la collection de cette Américaine d’origine polonaise, un ensemble d’œuvres sacrées du XVIIe siècle est exposé dans la chapelle, qui a conservé sa fonction de lieu de culte. D’abord exposé à Varsovie en 1990, puis au Liechtenstein, cet "Opus Sacrum", désormais prêté à Monaco pour une durée de dix ans trouve tout naturellement sa place dans cette chapelle, privée de ses tableaux d’origine par les aléas de l’Histoire. Fondé par le Prince Louis Ier de Monaco pour assurer l’éducation des jeunes filles de l’aristocratie, le couvent des Visitandines est en harmonie parfaite avec l’esprit baroque de ces vingt tableaux hagiographiques ou religieux, tels le caravagesque Martyre de saint Barthélémy de l’Espagnol Ribera, Le Martyre de saint Sébastien de Zurbarán, une paisible Madone à l’Enfant de Cantarini, ou Sainte Barbe de Bononi. Une suite des Treize Apôtres en grisaille, de l’école espagnole répond aux Saint Pierre et Saint Paul de Rubens. Deux sculptures des XIVe et XVIIe siècles complètent cet ensemble dont le point d’orgue est Le Triomphe de l’Eucharistie, une tapisserie en laine et soie de Bruxelles tissée d’après des cartons de Rubens de 1625-1626.
"La Fuite en Égypte de Poussin", jusqu’au 31 décembre, et "Opus sacrum", collection Barbara Piasecka Johnson, Musée de la Chapelle de la Visitation à Monaco, tlj sf lundi 10h-16h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : Monte-Carlo joue les biennales

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