États-Unis - Fiscalité

Le FBI face aux faussaires

Les peines encourues sont-elles suffisamment dissuasives ?

Par Martha Luftkin · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 1997 - 643 mots

Aux États-Unis, deux récentes tentatives de vente de faux tableaux relancent la question des moyens mis à la disposition de la justice américaine pour lutter contre ce type de criminalité.

LINCOLN (Massachusetts). Selon le New York Times, deux ventes aux enchères prévues au Louisiana Auction Exchange de Baton Rouge et aux C.B. Charles Galleries de Pompano Beach, en Floride, ont été annulées après que des marchands eurent mis en cause l’authenticité de plusieurs tableaux : de Chagall et De Kooning à Baton Rouge, et de Jasper Johns et Frankenthalers à Pompano Beach. Si le FBI reste muet sur les poursuites envisagées, il a annoncé la confiscation des tableaux des C.B. Charles Galleries. Les deux maisons de vente impliquées feraient l’objet d’une enquête. Ces affaires relancent la question de la lutte contre le trafic de faux aux États-Unis et des moyens dont dispose la justice américaine. En matière de criminalité, il revient à chacun des cinquante États de l’Union d’engager des poursuites.

Comment créer les conditions d’une intervention fédérale ?
Toutefois en regard de la complexité des procédures en matière de trafic de faux, le gouvernement fédéral dispose de moyens d’investigation et de procédure plus efficaces que les États. Le FBI opère en matière de contrefaçon artistique comme pour tout autre délit ou crime en démontrant l’utilisation frauduleuse de la poste, du téléphone ou des médias à l’échelle fédérale, au-delà des limites de l’état. "Dès lors qu’un catalogue est envoyé par la poste ou qu’une annonce est publiée dans un journal national, le lien commercial d’un État à un autre  autorisant le FBI à intervenir est établi", explique Gilbert Edelson, conseil du cabinet new-yorkais Rosen­man & Colin et vice-président de l’Art Dealers Association of America. Ainsi, la Center Art Gallery, un établissement fantôme de Hawaii qui vendait de fausses estampes de Dali, a été prise dans les filets fédéraux et mise en examen pour avoir démarché ses clients par téléphone et par courrier, et utilisé la poste pour ses envois de faux certificats d’authenticité. Le marchand de Chicago David Austin a également été trahi par sa correspondance et ses communications téléphoniques. Il a été condamné en 1995 pour vente de contrefaçons de tirages limités et signés d’estampes de Dali, Picasso, Miró et Chagall : un expert de la Federal Trade Commission (FTC) n’a découvert aucune pièce authentique sur les quatre cent quatre-vingt-dix examinées ! La commission, qui avait déjà sanctionné les ventes de faux Dali, a infligé à David Austin une amende de 625 000 dollars en dédommagement partiel des 3,5 millions de dollars extorqués à ses clients. Cela n’a pas dissuadé celui-ci de récidiver, au moins une fois, avec la vente d’un faux Chagall…

Comment prouver l’intention frauduleuse ?
Vendre un faux n’est pas un crime en soi. Pour établir la fraude, il faut prouver que les vendeurs avaient une intention coupable (mens rea). Lors du procès de David Austin, les employés de la galerie ont déclaré que "le stock de gravures semblait inépuisable" et qu’ils n’avaient jamais dû répondre à un acheteur qu’une édition limitée était épuisée ou indisponible… Mais comment apporter la preuve que le vendeur a écoulé des faux en toute connaissance de cause ? Il a pu se tromper de bonne foi, "l’erreur est humaine". L’intention frauduleuse sera plus facile à établir si la vente d’un faux en tant qu’œuvre authentique intervient peu de temps après sa fabrication, mais beaucoup moins évidente dans le cas d’un vendeur intermédiaire, sans aucun lien avec le faussaire. En outre, le vendeur indélicat peut aisément jurer de sa bonne foi : l’œuvre, après tout, n’est-elle pas signée ? Le remboursement du prix de la vente, les amendes et les peines de prison infligées constituent évidemment des freins pour les marchands dénués de scrupules. Toutefois, les sanctions sont souvent jugées trop légères par rapport aux perspectives de gains qu’apporte le marché de l’art aujourd’hui.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : Le FBI face aux faussaires

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