Le monde exsangue de Borland

Réflexion sur la violence et la mort à Montpellier

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 29 août 1997 - 320 mots

Christine Borland, Écossaise âgée de trente-deux ans, propose une lecture personnelle de la mort et du monstrueux pour revenir à un nouvel humanisme.

MONTPELLIER. Christine Borland propose dans les espaces de la Galerie Éole, à Montpellier, un ensemble de dessins qu’elle a réalisés lors d’une visite au Musée d’anatomie de la ville, haut lieu de l’étude du corps humain et de la médecine depuis la Renaissance. Des photographies prises à la dérobée dans les salles de ce lieu étonnant complètent ce corpus, tandis que l’inscription Motui vivos docent ("les morts enseignent aux vivants") vient couvrir un mur de la salle - elle provient du fronton sculpté du Théâtre d’anatomie du Jardin des plantes à Paris. À Münster, dans l’installation Die Töten lehren die Lebenden qu’elle a créée pour le "Skulptur. Projekte 97", la jeune artiste s’est intéressée au département d’anatomie de la Faculté de médecine de la ville allemande, où furent effectuées, sous le régime nazi, de nombreuses expériences inhumaines. Tour à tour, elle entreprend une reconstitution de la vie à partir d’indices qui sont le témoignage de sa disparition, à l’exemple des squelettes, ou du processus même qui a entraîné le basculement de la vie vers la mort. Ces analyses conduisent inévitablement à une réévaluation de ce souffle qui nous anime, de nos propres actes et de notre environnement comportemental. Paradoxalement, les objets présentés ramènent le corps à un simple objet d’étude, vestige dérisoire qui a perdu son âme. Ces organes humains parfois mal formés, conservés dans du formol, constituent également une galerie des horreurs dont la vision est difficilement soutenable, mais qui interroge le spectateur sur sa propre tolérance ou sa propension au voyeurisme. Ils posent violemment la question de notre rapport à la mort, une démarche induite par les vanités contemporaines.

CHRISTINE BORLAND, jusqu’au 20 septembre, Frac Languedoc-Roussillon, Galerie Éole de l’Espace République, 18 rue Jules-Ferry, 34000 Montpellier, tél. 04 67 22 94 04, lundi-samedi 10h-12h30, 14h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : Le monde exsangue de Borland

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