Capitale culturelle malgré tout

Trop bien dotée : c’est pour ce motif que Lyon aurait été recalée au titre de « Capitale européenne de la culture » - Une richesse culturelle dont les Lyonnais semblent ne pas avoir toujours conscience…

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2009 - 1302 mots

Nous n’allions tout de même pas faire semblant d’être pauvres ! » Lancée par Jérôme Delormas, directeur artistique du projet « Lyon 2013 », alors en pleine compétition pour l’obtention du titre de « Capitale européenne de la culture », la formule illustre parfaitement le paradoxe lyonnais.

Enfant gâtée des politiques culturelles municipales, avec un budget qui atteint les 20 % de l’enveloppe globale soit 100 millions d’euros, la capitale des Gaules semble déjà tout avoir… : un centre historique labellisé patrimoine mondial de l’Unesco ; un Opéra national, rénové dans les années 1990 par Jean Nouvel ; un Musée des beaux-arts leader des musées régionaux qui a aussi été l’un des premiers établissements de région a être entièrement rénové. Mais aussi un théâtre municipal, les Célestins, lui aussi rouvert après travaux en 2005 ; une école nationale des beaux-arts installée depuis 2007 dans le site réhabilité des Subsistances, ancien couvent également occupé par des lieux de spectacle et résidences d’artistes… Et là où la ville avait péché pendant de longues années, c’est-à-dire l’art contemporain, le retard a été comblé à partir de 1984 avec le lancement du projet de construction ex nihilo – bâtiments et collections – d’un musée d’art contemporain, lequel sera inauguré sous le nom de « MAC » en 1995. Ouvert uniquement lors d’expositions temporaires, le MAC a été la rampe de lancement de la Biennale d’art contemporain (lire p. 16 et 17). Avec près de 150 000 visiteurs en moyenne – en alternance avec une Biennale de la danse –, l’événement est devenu la première manifestation d’art contemporain française depuis la disparition de la Biennale de Paris en 1991. Ce qui rend d’autant plus surprenante l’absence du ministre de la Culture lors de l’inauguration de sa dixième édition, le 15 septembre. Mais les prédécesseurs de Frédéric Mitterrand ne s’étaient-ils pas évertués à lancer des événements parisiens concurrents, comme la triennale « La force de l’art » au Grand Palais ? De quoi entretenir une certaine frustration : aussi dynamique soit-elle en matière culturelle, Lyon semble encore pâtir de cette impossible concurrence avec Paris, où certains apparatchiks de la Rue de Valois peinent à se projeter au-delà de la Seine. « Il est pourtant plus facile de créer des choses en province qu’à Paris, où l’offre est trop dense », souligne Georges Verney-Carron, galeriste et entrepreneur, qui a quitté Paris pour s’installer à Lyon. Contrairement à d’autres métropoles, la culture a toujours été bien dotée à Lyon, que la ville soit gouvernée par la droite ou la gauche. « Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, reconnaît Georges Képénékian, nouvel adjoint à la culture de la Ville. Il y a eu un travail de sédimentation, même si, incontestablement, Gérard Collomb a accéléré les choses. » Élu en 2001, l’édile socialiste a fait de la culture une composante majeure de son ambitieux projet urbain lyonnais. Avec une conviction, relayée alors par son précédent adjoint à la culture, Patrice Béghain : la qualité de vie urbaine est indissociable de la culture. Pourtant, l’existence de ce tissu d’équipements, atout indéniable de la Ville, possède un revers de la médaille. À l’heure où l’État rogne sur les subventions, ces établissements sont coûteux, qui comptent pour plus de 50 % dans le budget culture. De quoi susciter parfois la grogne de certains acteurs culturels frustrés par leurs maigres subventions. « Les grosses structures ne mènent pas qu’une vie institutionnelle, défend Georges Képénékian. Elles ne sont pas enfermées dans le territoire mais constituent un maillage, un véritable écosystème dans lequel chacune a sa place. » Pourtant, étrangement, l’image nationale et internationale de la ville ne semble pas à la hauteur de la réalité. « Pathologie lyonnaise », diagnostique Georges Képénékian – également médecin hospitalier –, qui insiste sur le caractère introverti des Lyonnais. Georges Verney-Carron va plus loin : « Les Lyonnais n’ont souvent même pas conscience de ce qu’ils ont ! », déplore-t-il. La faute à une culture conservatrice mais aussi à une presse locale qui relaie insuffisamment l’activité… La candidature « Lyon 2013 » – handicapée dès le départ par une concurrence avec sa voisine Saint-Étienne – visait donc aussi à cela : créer plus de lien entre les différents acteurs culturels du territoire, en ouvrant la ville sur son agglomération, le matériau social étant l’une des principales composantes du dossier. Le jury européen n’y a guère été sensible, préférant favoriser une ville qui représente l’antithèse de Lyon en termes de politique culturelle : Marseille, pauvre en équipements culturels mais assurément plus extravertie.

Parachèvement d’une grande entreprise urbaine
Un an après, que reste-t-il de la dynamique de « Lyon 2013 » ? Si certains événements ont vu le jour, comme un nouveau festival de cinéma, piloté par Thierry Frémaux, le patron du Festival de Cannes, le reste a eu tendance à s’essouffler. Georges Képénékian voudrait surtout que la réflexion continue à porter à l’échelle de la métropole sur la « déconstruction de la ville centre », et que Lyon parvienne à attirer plus de jeunes créateurs. Mais les finances municipales ne sont pas inépuisables… Une dynamique a donc été lancée en direction du secteur privé. Dans ce domaine, le Musée des beaux-arts fait figure d’exemple. « À la suite de l’opération Poussin [l’acquisition en 2007 grâce au mécénat de La Fuite en Égypte], nous avons réussi à fédérer une dizaine d’entreprises au sein d’un club de partenaires », se réjouit Sylvie Ramond, la directrice du musée. L’objectif est d’obtenir 1,5 million d’euros sur trois ans pour abonder le budget d’acquisition, doublant ainsi les possibilités financières de ce poste. Le pragmatisme est donc désormais de mise. Car le maire, qui est aussi président du Grand Lyon, joue la fin de son mandat sur le parachèvement de la grande entreprise urbaine – lancée en 1999 avant son élection – du quartier de la Confluence. Terni par les aléas techniques et financiers du Musée des Confluences, situé à la pointe du site mais piloté par le département du Rhône (lire l’encadré), le projet avance dorénavant à grands pas. Les travaux permettront de doubler la superficie du centre ancien de Lyon par la reconquête de cette ancienne zone industrielle et portuaire, située entre Saône et Rhône. « Par goût du gigantisme, précise Gérard Collomb, mais pour construire une ville à échelle humaine. » Quelques bâtiments sont déjà sortis de terre ou ont fait l’objet d’une réhabilitation, comme La Sucrière, qui accueille la Biennale depuis 2003. Une seconde phase sera désormais supervisée par les Suisses Herzog et de Meuron, et plusieurs architectes de renom viendront bientôt y apposer leur signature. D’ici à dix ans, Lyon aura achevé sa mutation. De quoi donner un look plus avant-gardiste à une métropole ancrée de longue date dans la culture.

Le Musée des Confluences relancé

« C’est comme l’horizon, on n’en voit jamais la fin. » C’est avec un certain scepticisme que le maire de Lyon, Gérard Collomb, commentait en juin l’état d’avancement du « Musée des Confluences ». Projet lancé en 1999 par le conseil général du Rhône pour remplacer l’ancien Muséum, le musée a en effet connu une succession d’aléas, le bâtiment conçu en 2001 par les architectes autrichiens Coop Himmelb(l)au se révélant d’une complexité extrême à construire. En 2005, une première entreprise avait jeté l’éponge, faisant s’envoler les primes d’assurances. Début septembre, Michel Mercier, président du conseil général devenu ministre, a annoncé que deux entreprises étaient désormais sur les rangs pour lancer la construction. Le coût du projet s’est envolé, passant des 60 millions estimés au départ à 236 millions d’euros ! 61 millions d’euros ont déjà été dépensés, dont une partie pour le projet scientifique, déjà quasiment ficelé. Michel Mercier a annoncé que le Département devrait pouvoir financer ce surcoût sans recours à l’impôt. Cela pour une architecture déjà datée avant même d’avoir été construite.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°310 du 2 octobre 2009, avec le titre suivant : Capitale culturelle malgré tout

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