L’Histoire par stratification

Coiffé d’une extension contemporaine lumineuse, le Musée de la préhistoire du Grand-Pressigny rouvre ses portes au public en faisant la part belle à l’architecture plus qu’à ses collections

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2009 - 795 mots

LE GRAND-PRESSIGNY - Rénové et agrandi aux termes de trois années de travaux, le Musée de la préhistoire du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire) a profité des Journées du patrimoine, les 19 et 20 septembre, pour inaugurer ses nouveaux espaces.

Foyer d’une importante production artisanale au IIIe millénaire av. J.-C., les sites de la commune ont livré de riches vestiges, parmi lesquels de nombreux exemplaires du silex turonien (dit « silex du Grand-Pressigny »), réputé pour sa qualité supérieure. Le musée ne se situe pas en lieu et place de découvertes archéologiques, mais au cœur d’un château où il a pris ses quartiers en 1955, dans l’aile Renaissance, le reste de l’édifice (XIIe siècle) subsistant à l’état de ruine. Il a fallu attendre la chute du donjon, en 1988, pour qu’un projet de rénovation soit lancé et dix années supplémentaires pour qu’il prenne forme. Pendant les travaux, le musée a travaillé à l’enrichissement des collections, essentiellement constituées de dépôts de musées et de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, augmentés de quelques dons. Les réserves ont, quant à elles, été délocalisées dans de nouveaux bâtiments plus adaptés aux exigences de la conservation.

L’« objet » maître mot
Le musée offre aujourd’hui l’image d’un mariage réussi entre le contemporain et l’ancien. L’architecte Bernd Hoge a coiffé les ruines de l’édifice d’une construction discrète et élégante, où la lumière règne en maître grâce à de nombreuses ouvertures et à deux grandes baies vitrées donnant à voir l’ensemble du site. « L’histoire se fait par stratification. Le bâtiment moderne recouvre la ruine que l’on découvre en pénétrant dans l’édifice. Chaque niveau crée un rapport différent au lieu, c’est une sorte de jeu constant entre l’histoire du bâtiment et le contenu du musée », explique le muséographe Philippe Comte. Un jeu qui tourne, indéniablement, à l’avantage de l’architecture. Les collections ne sont en effet pas présentées dans la partie contemporaine du musée, mais confinées dans deux espaces déjà existants dont les caves, aménagées pour l’occasion. C’est dans ces galeries étroites et basses de plafond que sont dévoilées les collections de fossiles – avec un premier chapitre dévolu à la géologie et paléontologie –, ainsi que les silex du musée. Fleuron de cet ensemble, les grandes lames produites en série au Grand-Pressigny, au cours de la seconde moitié du IIIe millénaire, ont été exportées dans toute l’Europe occidentale. « La lame du Grand-Pressigny se situe entre l’outil utilitaire et un signe de puissance sociale », précise la conservatrice, Catherine Louboutin. La scénographie a recours à tous les artefacts didactiques de rigueur : schémas, plans, dessins, cartels explicatifs, grande variété de vitrines et bornes inter-actives discrètes. Sans oublier la reconstitution d’un atelier de silex accompagné d’un film sur la taille expérimentale de grandes lames. Mais l’ingéniosité de la muséographie ne parvient pas à faire oublier l’exigüité des lieux, comme si le musée nourrissait un complexe vis-à-vis de ses collections, jugées difficiles et trop scientifiques. Bernd Hoge avait d’ailleurs commencé par travailler sur la transparence du silex exposé à la lumière, avant d’être prié de revenir à un concept plus consensuel et destiné à attirer tout type de public. À l’inverse du sous-sol, le rez-de-chaussée et le niveau supérieur, pour le moins aérés, semblent répondre à une certaine philosophie du vide. Trois tables lumineuses et quelques panneaux à vocation pédagogique meublent ce no man’s land composé de deux immenses plateformes et d’une vaste passerelle. Ce dernier élément architectural conduit à la galerie Renaissance où sont présentés les objets archéologiques des périodes paléolithique, néolithique et de l’âge des métaux. Là aussi, l’architecte – des monuments historiques cette fois puisque l’édifice est classé – a eu le dernier mot sur les collections. Les vitrines ne pouvaient toucher les murs ni dépasser une certaine hauteur. Il en résulte une démonstration condensée, parfois confuse à force de pédagogie à tous crins : les éléments informatifs sont mêlés aux moulages et aux vestiges archéologiques originaux sans respecter la notion d’échelle. Seuls les 300 m2 dédiés aux expositions temporaires, au rez-de-chaussée, permettront de rééquilibrer les choses et de redonner sa place au discours scientifique. La première exposition, prévue à l’été 2010, aura pour thème les objets de pouvoir en Nouvelle-Guinée, dans une approche ethno-archéologique concentrée sur la culture matérielle. De manière générale, l’objet archéologique est au centre du parcours, au détriment, parfois, d’une histoire globale de l’Homme préhistorique. Les équipes du musée se sont fixé une fréquentation de 30 000 visiteurs annuels et souhaitent valoriser un site situé, de l’aveu même du conseil général, « en bout de département, en bout de région, bref, excentré en Touraine ».

Musée de la préhistoire du Grand-Pressigny, 37350 Le Grand-Pressigny, tél. 02 47 94 90 20, www.musee-prehistoire.fr, tlj sauf mardi, 25 décembre et 1er janvier, 10h-12h30 et 14h-17h, puis tlj 10h-18h non-stop d’avril à juin.

LE GRAND-PRESSIGNY

Budget rénovation : 7,2 millions d’euros
Construction des réserves : 800 000 euros
Architecte maître d’œuvre : Bernd Hoge, Paris
Muséographie/scénographie : Guliver Design/Philippe Comte, Paris
Chef de projet: Catherine Louboutin, conservatrice du musée

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°310 du 2 octobre 2009, avec le titre suivant : L’Histoire par stratification

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