Zuloaga, maître des entrelacs

Cette famille a réinventé l’art du damasquinage

Le Journal des Arts

Le 12 septembre 1997 - 489 mots

Les bibelots damasquinés vendus aujourd’hui dans les rues de Tolède s’appuient sur le mythe d’une tradition de métallurgistes espagnols remontant au Moyen Âge et excellant dans la technique des décors complexes. Une exposition au Victoria & Albert Museum remet les pendules à l’heure. Perdu depuis des siècles, l’art du damasquinage a été réinventé au dix-neuvième siècle par la famille Zuloaga à Eibar, dans le Pays basque espagnol.

LONDRES. Pratiquement oublié aujourd’hui, Placidio Zuloaga a été à la tête d’une maison dont le travail a été récompensé par des prix aux grandes expositions universelles des années 1850 et 1860. Des meubles et des bibelots réalisés grâce à la technique du damasquinage ont connu un tel succès que de nombreuses fabriques sont apparues en Espagne – Tolède devenant l’un des principaux lieux de production après Eibar –, et leurs pièces ont été exportées dans le monde entier. La famille Zuloaga était spécialisée dans les armes depuis le dix-septième siècle. L’Armurerie royale de Madrid contenait l’une des plus importantes collections d’armes médiévales et d’époque Renais­sance en Europe, mais durant l’occupation française de l’Espagne, la décision de Joseph Bonaparte de transformer l’armurerie en salle de bal a malheureusement entraîné le stockage de la collection pendant trente ans dans de mauvaises conditions. Dans les années 1840, on fit donc appel à Placidio et à son frère pour restaurer cet ensemble. Le premier a ainsi appris son métier en étudiant ces belles pièces Renaissance, complétant son apprentissage par plusieurs années à Paris chez le grand armurier Lepage, et chez Michel Liénard, dessinateur et sculpteur. Il est retourné en Espagne totalement familiarisé avec les complexités décoratives néo-Renaissance, qui, avec le style mauresque espagnol, constituent ses principales sources d’inspiration. Lors de l’Exposition universelle de Londres en 1862, Zuloaga a eu la chance de bénéficier du soutien d’Alfred Morrison, érudit et collectionneur, qui a assuré un succès persistant au nouvel atelier. Mis à part quelques pièces appartenant au V&A et achetées directement à Zuloaga au dix-neuvième siècle, la plupart des objets exposés sont issus de la collection de David Nasser Khalili, Iranien vivant à Londres, plus connu pour sa passion pour l’art islamique. Il a cependant témoigné de son goût pour les objets en fer forgé d’autres cultures et a ainsi récemment montré au British Museum ses pièces japonaises de la fin de l’ère Meiji. L’œuvre de Zuloaga a non seulement la particularité d’être très clinquante, elle est également d’un style fortement influencé par les motifs islamiques. Khalili possède les deux chefs-d’œuvre réalisées par Zuloaga pour Morrison : le coffret Fonthill, un coffre massif sur le modèle de ceux de la Renaissance – pas moins de trois hommes sont nécessaires pour soulever le couvercle –, et une paire de vases décorés dans le style mauresque et dérivés des "vases Alhambra".

ZULOAGA : TRÉSORS ESPAGNOLS DE LA COLLECTION KHALILI, jusqu’au 11 janvier 1998, Victoria & Albert Museum, Cromwell Road, Londres, tél. 44 171 938 8500, tlj 10h-17h50, lundi 12h-17h50.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°43 du 12 septembre 1997, avec le titre suivant : Zuloaga, maître des entrelacs

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