Le savoir-faire et le faire savoir

Un Salon des beaux-arts réussi mais encore trop hexagonal

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 26 septembre 1997 - 733 mots

On dit volontiers que les Français savent souvent bien faire mais oublient un peu trop de le faire savoir. Les jeunes et ambitieux organisateurs du Salon des beaux-arts n’ont sans doute pas totalement échappé à ce travers. La deuxième édition était œuvre de professionnels. Hors les panneaux de signalisation des stands, illisibles le soir du vernissage à la suite d’une fantaisie de décorateur – erreur promptement réparée dès le matin –, l’organisation était de l’aveu général excellente, les stands bon chic bon genre, la sélection de marchands remarquable et la qualité des œuvres présentées d’une grande homogénéité. Mais il y manquait du public, même si l’on n’y attendait pas le grand public.

PARIS. La réussite d’un salon ne se mesure pas à l’aune des visiteurs, mais à la qualité et à la "solvabilité" de son public, c’est-à-dire au volume des ventes. Si l’on en juge par les réactions des marchands, il y avait de vrais amateurs au Salon des beaux-arts et les ventes ont été généralement satisfaisantes. Pa­trice Bellanger, l’un des trois marchands de sculptures présents, se dit ainsi ravi d’avoir cédé plus de 250 000 francs sa Tête d’enfant, présumé Henri IIl, attribuée à l’atelier de Germain Pilon, et souligne que “grâce à la présence et à l’effort de marchands étrangers, la qualité du salon est indéniable”. Même écho à la galerie Mercier et Duchemin qui, pour sa première participation, se dit "euphorique, avec huit tableaux et une sculpture vendus entre 20 000 et 250 000 francs". Quant à Antoine Laurentin, enchanté "d’avoir cédé dix toiles entre 50 000 et 300 000 francs, dont un paysage de Paul Baudry, aussi bien à des musées qu’à des collectionneurs", il considère que la faible fréquentation de la semaine joue plus sur le moral des exposants que sur le volume des transactions. Seul regret général : les acquéreurs étaient surtout français. Thierry Mercier ad­met ainsi que "la jeunesse du salon lui conférait un caractère franco-français". Avis que partage Patrice Bellanger : "L’événe­ment n’est pas encore assez réputé pour obtenir une résonance internationale". Les optimistes se réjouissent qu’il soit à nouveau possible de trouver tant d’amateurs en France et considèrent que, par son dynamisme, le salon a sonné un premier réveil du marché hexagonal. Tel le Belge Patrick Derom qui, heureux d’avoir rencontré deux amateurs – américain et monégasque dans ce cas précis – pour La Halte de Paul Delvaux, proposée à 2,2 millions de dollars, considère "avoir couvert ses frais en trouvant preneur pour trois des quinze tableaux" qu’il présentait. Les autres regrettent qu’un salon dont l’ambition est de refaire de Paris un des piliers du marché international ait su attirer des marchands étrangers de qualité, mais sans convaincre la clientèle étrangère de venir. "Le bilan n’est pas à la hauteur de nos espérances, car seul le petit Landerneau des amateurs parisiens a été mobilisé, regrette tel antiquaire, qui estime, malgré plusieurs pièces vendues, ne pas être rentré dans ses frais". Sentiment partagé par la galerie londonienne Stoppen­bach & Delestre, qui se console mal de n’avoir vendu que trois œuvres, dont un tableau de Valtat à 310 000 francs. Surtout, estime l’un de ses responsables, que "ramenée à un prix journalier, cette manifestation est l’une des plus chères au monde". Pour lui, on n’a pas suffisamment su "faire venir et donner envie d’acheter". Même s’il faut "laisser le temps à une manifestation de s’installer, selon l’un des frères Fabius qui, avec la vente de la Prédication de saint François par Michel-François Dandré-Bardon, a totalisé un chiffre d’affaires de 1,5 million de francs, organisé une semaine plus tard, le salon aurait toutefois plus d’impact". La réponse des organisateurs n’est pas tranchée sur ce point. Emmanuel Moatti souligne que malgré la date, il a "vendu deux dessins et trois peintures, entre 70 000 et 280 000 francs, et découvert de nouveaux clients parmi les 4 800 visiteurs du vernissage et les seize mille de la semaine". Alors que Patrick Perrin, même s’il se dit satisfait "avec douze aquarelles vendues, dont deux d’Hubert Robert dès le premier soir, et dix dessins placés, se déclare prêt à tirer les conclusions qui s’imposent pour que le salon devienne la référence mondiale". La Biennale ne s’est pas faite en un jour et il reste deux ans aux organisateurs pour prendre leur bâton de pèlerin, améliorer leur communication internationale, et convaincre le monde que Paris vaut bien un Salon international des beaux-arts.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°44 du 26 septembre 1997, avec le titre suivant : Le savoir-faire et le faire savoir

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