Berlin donne un coup d’arrêt au Musée juif

Le licenciement de son directeur compromet le projet

Le Journal des Arts

Le 26 septembre 1997 - 465 mots

L’ouverture du Musée juif de Berlin est reportée, à la suite du licenciement de son directeur, Amnon Barzel. Cette mesure vient clore une série de décisions municipales visant à réduire l’autonomie du musée.

BERLIN. Alors que la construction du Musée juif de Berlin s’achève, l’ouverture de l’établissement est repoussée à 1999. Amnon Barzel, directeur du musée depuis 1994, quitte son poste fin septembre. Il a été démis de ses fonctions pour raisons de “comportement”, selon Peter Radunski, le responsable fédéral de la Culture à Berlin. Dans l’attente d’un successeur définitif, la gestion du musée a été confiée à Peter Radunski et Reiner Güntzer, directeur général de la Stiftung Stadtmuseum (Fondation des musées de la Ville). Si le conflit actuel entre Amnon Barzel, originaire d’Israël, et la municipalité n’était un secret pour personne, ce licenciement a provoqué des remous dans la communauté juive de la ville et prend des proportions de débat national.

Luttes d’influence
Nommé en 1993 par un jury indépendant, Amnon Barzel semble avoir conçu des projets trop ambitieux. Refusant de limiter les expositions aux objets d’art sacré judaïques ou “exotiques” de la collection du musée, il voulait montrer le rôle particulier joué par les Juifs dans tous les aspects de la vie berlinoise, notamment à travers un vaste programme d’expositions d’art contemporain. Il aspirait à créer “un musée historique contemporain” offrant un regard vivant sur le passé. En octobre 1995, il avait présenté par écrit les détails de son projet. Pour toute réponse, la municipalité l’a lentement dépossédé de son pouvoir. En juin 1996, le conseil fédéral de la Culture de Berlin créait par décret la Stiftung Stadtmuseum, chargée de gérer tous les musées de la Ville. Cette restructuration politique, qui transformait le Musée juif en simple département du Musée de Berlin, retirait à son directeur tout contrôle administratif et financier au profit de l’État. Cette fondation dispose en outre librement des donations privées faites auparavant au Musée juif, comme par exemple le fonds de 800 000 dollars (environ 4,8 millions de francs) légué en 1991 par Felix Simmenauer, un juif émigré. Amnon Barzel a refusé d’accepter ces dispositions "dictatoriales", qu’il compare aux premières mesures de l’Allemagne nazie. Interrogé par le journal berlinois Tagesspiegel, quelques jours seulement avant son licenciement, il déclarait : "Il y aura un musée autonome ou pas de musée du tout. Le monde doit savoir que les responsables politiques de Berlin ne veulent pas d’un musée juif et qu’ils n’en méritent pas un". Mais cet homme de 61 ans, connu pour son franc-parler, ne s’avoue pas vaincu. Il en appelle désormais au gouvernement fédéral, exigeant que "face à l’incapacité des politiciens berlinois de créer un musée juif, le gouvernement fédéral et le chancelier mènent à bien cette mission. Le Musée juif de Berlin est également le musée juif du pays".

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°44 du 26 septembre 1997, avec le titre suivant : Berlin donne un coup d’arrêt au Musée juif

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