Emmanuel Anati : « L’art rupestre dans le monde, l’imaginaire de la préhistoire »

Un homme au secours des \"livres de pierre\" de la Planète

Le Journal des Arts

Le 7 novembre 1997 - 491 mots

Directeur du Centre d’études préhistoriques du Val Camonica et coordinateur mondial du projet Wara (World Archives of Rock Art), Emmanuel Anati propose une véritable gageure : un survol planétaire et temporel de l’art rupestre. Depuis des années, il archive, seul, ce patrimoine menacé de l’humanité... sans qu’aucune aide des organismes internationaux concernés ne vienne soulager ce courageux interprète d’une pièce moderne aux faux airs de Danaïdes.

"C’est sans doute la première fois, en tout cas avec cette ampleur et cette compétence, qu’un spécialiste de ce que l’on nomme aujourd’hui l’art rupestre a l’audace de se lancer dans un survol planétaire de cette toute première expression du genre humain, autre que technologique". En ces termes admiratifs, Yves Coppens préface la longue épopée rupestre d’Emmanuel Anati, qui affirme – modestement – n’avoir aménagé que "la première salle d’un musée imaginaire". Peintes ou gravées sur les roches, ces œuvres intransportables ne pourront jamais être rassemblées dans une exposition. Elles seraient d’ailleurs trop nombreuses pour cela. En dévoilant ces “écritures” avant la lettre, Em­ma­nuel Anati nous révèle un pan entier de la mé­moire hu­mai­ne. Derrière son ouvrage, se pro­filent l’œuvre et la détermination d’une vie ; depuis des années, il tente de promouvoir et d’inventorier ce patrimoine de la manière la plus exhaustive possible. À lui seul, il a déjà documenté 150 sites du monde entier, réalisé 200 000 photographies et des milliers de relevés, constituant l’inventaire le plus important du monde en matière d’art rupestre. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il reste une quantité énorme de vestiges pour lesquels aucune archive n’existe. "Or, il faudrait tout récolter car de lourdes menaces pèsent sur ce patrimoine”, déclare le chercheur. Chaque jour des sites sont détruits par la construction de barrages, de ponts ou de routes. “Chaque jour, un morceau de paroi historiée se détache, privant ainsi l’humanité toute entière d’un fragment de sa mémoire. (...) Nous assistons à la lente mais inexorable détérioration du plus important témoignage que les générations précédentes nous aient laissé." Un homme s’attache donc, seul, à constituer une archive mondiale de 40 000 ans d’histoire de l’humanité. Le plus étonnant, dans cette entreprise, reste l’absence d’écho au cri d’alarme lancé par Emmanuel Anati. Pourquoi un projet d’une telle importance ne bénéficie-t-il d’aucun appui de la part des organismes nationaux et interna­tionaux ? N’est-ce pas de la responsa­bilité de l’Unesco que de conserver ce patrimoine de l’humanité ? Certes, en juin dernier, cet organisme a entamé un programme de préservation de l’art rupestre ; toutefois, il semble se tromper de méthode : il importe peu de sauver physiquement un ou deux monuments parmi les plus spectaculaires, c’est la conscience de l’ensemble de ce patrimoine qu’il faut préserver. Emmanuel Anati montre la voie depuis des années. Mais les répliques à ce courageux monologue se font encore attendre !

Emmanuel Anati, L’art rupestre dans le monde, l’imaginaire de la préhistoire, Larousse, 1997, 424 p., 468 ill., 680 F, ISBN 2-035055-02-4.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : Emmanuel Anati : « L’art rupestre dans le monde, l’imaginaire de la préhistoire »

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