France-Allemagne : les affinités électives

Un siècle de passions au Petit Palais

Le Journal des Arts

Le 7 novembre 1997 - 622 mots

De la révolution française à la fin du XIXe siècle, la France et l’Allemagne n’ont cessé d’entretenir des relations ambivalentes, faites d’échanges et de conflits. Nation, Romantisme, République, Liberté sont quelques-uns des thèmes qui enflamment les deux rives du Rhin pendant cette période. \"Marianne et Germania\" se propose de rendre compte de ce bouillonnement, à travers 350 œuvres et documents.

PARIS. Après avoir célébré avec “Les Francs” les origines communes des peuples français et allemand, le Petit Palais s’intéresse aujourd’hui à leurs rapports féconds, mais mouvementés, entre 1789 et 1889. Présentée à Berlin à l’automne dernier, "Marianne et Germania. Un siècle de passions franco-allemandes" arrive à Paris dans le cadre de la saison Paris-Berlin. Cette exposition, organisée dans le but louable de favoriser la compréhension mutuelle entre deux nations longtemps rivales, se propose de remédier à la méconnaissance persistante de l’“Allemagne intellectuelle”, déjà déplorée par Madame de Staël en 1810. Une Allemagne hostile et belliqueuse continue à dominer l’imaginaire français, qui l’identifie aux forces conservatrices et militaristes l’ayant conduite à l’unité. Pour­tant, l’affirmation nationale outre-Rhin s’est également engagée dans des voies plus pacifiques et plus fécondes. C’est sans doute dans le domaine littéraire que la recherche d’une expression originale s’est révélée la plus fructueuse. Les représentations des pièces de Schiller à Paris, le voyage de Madame de Staël en Allemagne et le célèbre ouvrage qu’il lui a inspiré (De l’Alle­magne, 1810), la traduction de Faust par Nerval... témoignent du large écho rencontré par la littérature romantique allemande en France. Livres, lettres et portraits viennent illustrer cette sensibilité commune aux passions de l’âme. Les peintres et les sculpteurs ne sont pas restés étrangers à ces échanges. En 1829, David d’Angers se rend à Dresde où il rencontre Caspar David Friedrich, encore peu connu à cette date. Tous deux figurent bien entendu dans l’exposition, aux côtés d’artistes fameux comme le baron Gérard, Rodin ou Menzel. Néanmoins, la valeur esthétique n’a pas été le critère principal de sélection des œuvres : beaucoup ne servent qu’à donner corps aux personnages, événements et idées de l’époque, à travers portraits, scènes historiques ou anecdotiques et allégories. C’est souvent la limite des expositions historiques.

Une histoire de deux mondes
En 1829, Edgar Quinet et Victor Cousin fondent La revue des deux mondes afin de favoriser les échanges intellectuels entre les deux rives du Rhin ; et il s’agit en effet de deux mondes distincts qui, bien souvent, s’ignorent. Un effort didactique a donc semblé nécessaire aux commissaires de l’exposition : l’accent est  mis sur l’histoire chaotique des deux peuples grâce à des panneaux et des chronologies ; allégories et scènes plus anecdotiques figurent les événements évoqués tout au long du parcours. Le siège de Paris en 1870, par exemple, est illustré à la fois par un épisode réaliste dû à Meissonnier et par une allégorie de Rodin, La Défense de Paris. Cette double approche a pour but de restituer non seulement les faits, mais aussi la représentation que s’en faisaient les contemporains. Outre l’insistance sur le déroulement historique afin de faciliter la compréhension du propos par le public, un allégement du contenu de l’exposition de Berlin a été décidé pour des raisons matérielles. Cependant, le parcours s’achève sur une section nouvelle consacrée au Wagnérisme. Cette adjonction est justifiée par l’influence du compositeur allemand sur la génération symboliste française, mais également par les débats passionnés dont Wagner a fait l’objet en France. Ainsi, en 1861, Tannhauser fut victime d’une violente cabale qui entraîna son retrait de l’affiche au bout de quatre jours.

MARIANNE ET GERMANIA. UN SIÈCLE DE PASSIONS FRANCO-ALLEMANDES, du 8 novembre au 15 février, Musée du Petit Palais, avenue Winston-Churchill, Paris, tél. 01 42 65 12 73, tlj sauf lundi et fêtes 10h-17h40. Catalogue Paris-Musées, 310 p., 220 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : France-Allemagne : les affinités électives

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