L’actualité vue par Agnès b., styliste et galeriste

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 7 novembre 1997 - 825 mots

Après avoir fait l’École des beaux-arts de Versailles, Agnès b. voulait devenir conservateur de musée. Mais, en 1964, elle entre à Elle comme rédactrice de mode junior. Styliste de 1965 à 1966 chez Dorothée Bis, elle ouvre en 1975 sa première boutique dans une ancienne boucherie des Halles. Quatre ans plus tard, elle crée le fameux cardigan pression qui assure son succès. En 1984, elle ouvre une galerie d’art contemporain, la galerie du jour. Elle commente l’actualité.

Le 20 novembre, s’ouvre Paris Photo, la première foire consacrée à la photographie jamais organisée en France. Qu’en pensez-vous et pourquoi y participez-vous ?
Je soutiens cette foire depuis le début car je connais son organisateur, Rik Gadella, depuis longtemps et j’apprécie sa détermination, son exigence. Il a très bien mené ce projet qui pouvait paraître un peu farfelu, utopique aussi. Je considère qu’il est important qu’une foire de la photographie se crée et qu’historiquement elle ait lieu à Paris. Bien que la photographie soit de plus en plus présente dans les galeries françaises, il y a encore trop peu de collectionneurs, beaucoup moins qu’aux États-Unis où la photographie tient une plus grande place. Je vais exposer Martin Parr et, à la Galerie du jour, une jeune photographe que je soutiens depuis longtemps, Carolyne Feyt. Ses portraits sont délicats, tout effacés, bougés ; souvent, elle inverse le négatif. C’est très beau. Son travail fait penser à des dessins d’Ingres. Elle était pensionnaire de la Villa Médicis l’an dernier, et le Musée des arts décoratifs exposera à partir du 17 novembre le travail qu’elle a réalisé à Rome, sur les fentes dans les pierres.

Beaucoup d’amateurs déplorent qu’il y ait peu de grandes expositions à voir cet automne à Paris, hormis "Gilbert & George de La Tour". Est-ce votre avis ?
C’est déjà beaucoup. Je ne suis pas d’accord, j’ai l’impression qu’il y a encore tellement d’expositions que je ne pourrai malheureusement pas voir. Même à la Fiac, qu’on dit conventionnelle, j’ai découvert des œuvres que je ne reverrai peut-être jamais. Je n’ai pas encore eu le temps d’aller voir Thomas Ruff au Centre national de la photographie… Il y a toujours des choses à voir, il y a aussi les collections des musées. À Paris, on ne va pas assez au Musée des arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO) ou au Musée Dapper.

À l’occasion de la rétrospective Gilbert & George, vous avez édité un nouveau "?", ce tiré à part de seize pages que vous réalisez avec Hans-Ulrich Obrist et que vous distribuez gratuitement.
Cela m’a donné la chance de rencontrer Gilbert & George, deux sacrés monstres ! Je les adore, j’aime beaucoup ce qu’ils disent, je les trouve émouvants, libres et courageux. Leur conscience, leur suite dans les idées est impressionnante, et les pièces d’il y a quinze ans restent très fortes à côté des plus récentes. Je considère qu’il est important que ce travail soit montré à Paris, où il y a actuellement un climat faussement pudique, rétréci, qui me paraît assez hypocrite. Gilbert & George rappellent que la terre digère non seulement des corps mais également des excréments, que la Bible parlait d’excréments… tout ceci a été gommé ou censuré.

En plus de soutenir l’art contemporain, vous avez une politique de mécénat en faveur des musées. Que pensez-vous des récentes critiques de Pierre Bergé contre les musées français ?
Je soutiens des musées comme le MAAO, car j’apprécie beaucoup son directeur Jean-Hubert Martin. Mais j’observe que sur l’argent que je donne aux musées français, j’ai déjà payé 60 % d’impôt à l’État. Il y a quelque chose qui ne va pas : si je donne un million, c’est comme si je donnais 2,5 million de francs. Cette situation est aberrante, puisque le MAAO c’est aussi l’État. Néan­moins, je le fais quand même, je ne travaille pas pour m’enrichir et je suis partisan d’une redistribution. Ce travail de styliste est rémunéré d’une façon anormale, donc j’aime redistribuer vers des causes et des projets. Je le fais avec gourmandise et passion, en France comme à l’étranger où j’aide P.S. 1 à New York, j’aime bien être un catalyseur aussi. J’ai la chance de faire mon travail très facilement, de manière très ludique, et c’est vrai que ça marche…

Votre avis sur la concurrence entre Berlin et Cologne à propos des foires d’art contemporain.
La foire de Berlin a l’air très excitante, c’est pourquoi j’y vais en observateur cette année. Je souhaite la faire l’an prochain. La galerie n’était pas à Cologne ; en revanche, elle était présente à Bâle et à Chicago.

Et sur les derniers défilés de mode…
Je ne vais à aucun défilé, je n’en regarde pas à la télévision, je ne sais pas ce que font les autres. Je ne suis pas du tout dans le monde de la mode. Tous mes amis sont artistes ou musiciens.

Galerie du jour Agnès b., 6 rue du Jour, 75001 Paris, tél. 01 42 33 43 40.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : L’actualité vue par Agnès b., styliste et galeriste

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