Arts primitifs

Sur un air de fête

Fort du succès du Parcours des mondes, ses organisateurs comptent exporter la formule à New York

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2009 - 674 mots

PARIS - La crise n’a pas raison des arts primitifs. Pour preuve, le succès de la dernière édition du Parcours des mondes, organisée du 9 au 13 septembre.

Aussi bonne que collégiale, l’ambiance tranchait avec le climat anxiogène de ces six derniers mois. Il faut dire que les galeries ont consenti de sérieux efforts. L’exposition, aussi intrigante que pointue sur les Bowli chez Johann Levy (Paris), rivalisait de qualité avec les objets miniatures d’Arte y Ritual (Madrid) et la joyeuse vivacité de la culture Papoue en majesté chez les Flak (Paris). Il y avait surtout moyen de dénicher des pièces insolites comme la carte de navigation de Micronésie, aussitôt vendue par Patrick Mestdagh (Bruxelles), un fétiche Fon du Bénin chargé de cadenas chez Alain de Monbrison (Paris), l’étrange masque de procession du Kerala chez Bernard Dulon (Paris) ou des masques d’Himalaya chez Thomas Murray (Mill Valley, Étast-Unis). Controversé sur le plan conceptuel, l’accrochage de Jean-Baptiste Bacquart (Londres), classifiant l’art africain selon les courants de l’histoire de l’art occidental, ne laissait pas non plus indifférent. Enfin, les moutons noirs et autres parasites souvent greffés à l’événement semblaient avoir disparu. Mais, d’après certains exposants, le ménage initié l’an dernier devrait encore être poursuivi.

Du beau monde
Si presque tous les marchands ont accompli leur besogne, l’organisation du Parcours menée depuis deux ans par le collectionneur Pierre Moos a aussi rempli sa part du contrat?: faire venir du beau monde. Les collectionneurs ont enfin retrouvé le chemin des galeries, désertées depuis un an. Pour Grata Somaré, codirectrice de la galerie Dalton-Somaré (Milan), la qualité de l’audience était même supérieure à celle de l’an dernier. « Ça ne veut pas dire que les gens ont retrouvé le sourire, mais après s’être refermés, ils ont eu besoin de s’aérer la tête. Et l’art primitif, c’est parfait pour ça », soulignait Julien Flak. Mais on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Bien que certains marchands s’acharnent encore à pratiquer des prix stratosphériques, la plupart des exposants ont réduit leurs marges. C’est le cas de Jacques Germain (Montréal), lequel a cédé très vite deux pièces importantes, un reliquaire Kota et un bouclier Songye du Congo. « Ce n’est pas une année pour être gourmand, indiquait le marchand québécois. Si les gens voient de la qualité et des prix convenables, on se donne une chance. » Un credo que partageait aussi la galerie Dandrieu-Giovagnoni (Rome), laquelle a baissé ses prix de 20 %. Bien lui en a pris puisqu’elle a vendu les objets phare de son accrochage, une sculpture très énergique du Burkina Faso et un masque Yoruba tout empreint de dignité royale. Les déclics rapides n’étaient toutefois pas monnaie courante. « Le marché est sain et enthousiaste, mais les gens raisonnent désormais leurs coups de cœur », confiait Renaud Vanuxem (Paris), lequel a néanmoins très bien fonctionné. « La décision est plus lente, car les gens ont beaucoup de choses de très bonne qualité à voir », rajoutait Édith Flak. Difficile, en effet, de choisir entre le pendentif Hei Tiki de Nouvelle-Zélande en ivoire chez Arte y Ritual et ses pendants en néphrite dans la très belle exposition Maori chez John Giltsoff (Girona) ou chez son voisin Wayne Heathcote (Bruxelles). Les clients prenaient du temps pour réfléchir, car la concurrence des collectionneurs américains était aussi bien moindre. D’après Ana Casanovas, de la galerie Arte y Ritual, seuls 40?% des clients américains habituels ont fait le déplacement. « Avec une devise difficile, les États-Unis traînent forcément la patte, soulignait Jacques Germain. L’autre problème, c’est qu’il n’y a pas eu un renouvellement de la clientèle américaine car il n’y a presque plus de marchands outre-Atlantique. » Pour changer le mouvement, les organisateurs du Parcours compte lancer une bouture à New?York au printemps 2010, avec une quinzaine d’exposants. « Les États-Unis continuent à représenter le plus grand marché, explique Pierre Moos. Tous les grands marchands européens sont partants pour le faire, sans doute dans le quartier de SoHo ou de Chelsea. » Si l’Amérique ne vient pas à nous, nous allons en Amérique !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°309 du 18 septembre 2009, avec le titre suivant : Sur un air de fête

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