Paribas sort de ses réserves

Le Journal des Arts

Le 5 décembre 1997 - 703 mots

Avec une sélection de 200 œuvres sur les quelque 3 000 qui constituent sa collection, Paribas commémore ses 175 ans de présence en Belgique. La banque en profite pour mettre en évidence sa politique et sa personnalité, alors que son actionnaire de référence vient de changer.

Paribas est une vieille dame née en 1822 et qui a derrière elle de nombreux mariages et autant d’identités. Tour à tour Maison Bischoffsheim, Banque de crédit et de dépôt des Pays-Bas, Banque de Paris, Banque de Paris et des Pays-Bas, elle devra bientôt changer à nouveau de dénomination après son “mariage” avec la BACOB…

L’exposition présentée au Palais des beaux-arts résonne comme un hommage  à Maurice Naessens, qui avait initié la politique culturelle de la banque. Nommé en 1950 directeur général de ce qui n’est encore qu’une succursale de la maison parisienne, il va lui donner une impulsion décisive en définissant trois voies d’action : d’abord, l’achat et la restauration de bâtiments historiques (maison De Valkeneer à Alost, hôtel Bocholtz à Liège, maison De Caese à Bruges…) ; ensuite, le développement non pas d’une collection, mais de collections qui viendront s’installer dans les bâtiments rénovés. Ainsi L’Enlèvement des Sabines et La réconciliation des Sabins et des Romains, de Rubens, ont-ils naturellement trouvé leur place dans la maison Osterrieth d’Anvers, joyau du Baroque dans les provinces du Sud. Troisième axe, l’édition, avec la création en 1965 du Fonds Mercator (lire p. 20). L’exposition dévoile au public un patrimoine important, qui s’est constitué comme une suite de coups de cœur. À partir de 1986, l’actuelle direction a voulu combler les inévitables lacunes – symbolistes et surréalistes en étaient absents – afin que la collection soit représentative de l’évolution de l’art belge. Parallèlement, le système de commission d’achat a été abandonné pour une formule plus souple.

Entouré des conseils de spécialistes, Christian Pinte, l’administrateur-directeur chargé de la politique d’acquisition, décide seul des achats en dessous de cinq millions de francs belges. Au-delà, la décision relève du conseil de direction. La banque achète rarement en vente publique, l’essentiel de ses acquisitions se faisant auprès de collectionneurs privés. Au sein de la collection, l’art ancien tient une place de choix, et la scénographie de Stéphane Beel tente, non sans lourdeur, de reconstituer l’intimité de ces lieux où les œuvres vivent au quotidien. Leur intérêt artistique et historique, pour évident qu’il soit à la lecture du catalogue, ne peut se départir de ce dialogue qui lie les œuvres aux lieux qui les attendent. Des grandes tapisseries de Bruxelles, Delft ou Audenarde des XVIe et XVIIe siècles à la Flagellation du Christ en ivoire d’après Duquesnoy, en passant par la Guirlande avec Cérès de Jan Bruegel ou Apollon et Marsyas de Jordaens, toutes ces œuvres témoignent de l’attachement de la grande banque d’affaires aux traditions anciennes. Sensible à la qualité de sa clientèle, elle aurait pu se limiter à l’art ancien. Il n’en est rien, car Maurice Naessens se piquait d’art moderne et même contemporain, soutenant l’œuvre d’un Joseph Lacasse ou d’un Seuphor, défendant les artistes de la Jeune peinture belge comme Louis Van Lint.

La seconde partie de l’exposition marque une rupture avec le début du parcours : aux ensembles intimistes qui mettaient les œuvres en évidence sans les sortir de leur contexte, succède un accrochage au kilomètre digne du Palais des beaux-arts lorsqu’il se mue en salle de vente. Malgré cette mise en scène voulue, toiles et sculptures parviennent à s’imposer. La liste en est trop longue et il serait injuste de ne voir que L’histoire centrale de Magritte ou l’exceptionnelle Aube sur la ville de Delvaux. L’intérêt est partout, d’un étrange Voilier en pleine mer de Léon Spilliaert à Ocre et noir de Van Lint, en passant par Khnopff, Mellery, Minne, Wouters, Van den Berghe ou Permeke. Le parcours témoigne de la richesse d’une collection qui, depuis le départ de Maurice Naessens, n’a cessé de s’étoffer dans la continuité d’une tradition fondée sur le coup de foudre.

L’ART ET LA BANQUE. UNE SÉLECTION DE RUBENS À MAGRITTE, jusqu’au 4 janvier 1998, Palais des beaux-arts de Bruxelles, 10 rue Royale, tél. 32 507 84 66, tlj sauf lundi 10h-17h. Catalogue français/néerlandais publié par le Fonds Mercator, 304 p., 1 800 FB.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°49 du 5 décembre 1997, avec le titre suivant : Paribas sort de ses réserves

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