Impressions d’Armani

Le Journal des Arts

Le 19 décembre 1997 - 687 mots

Fort de sa réussite économique, bientôt couronnée par son introduction en bourse, le groupe Giorgio Armani a commencé de s’intéresser aux arts en soutenant notamment de grandes expositions. Le fondateur du groupe s’explique sur ses choix et envisage les développements futurs de ce type d’opération.

Armani organise un “concours de beauté” sans vêtements ni mannequins : les “concurrentes” sont les banques d’investissement londoniennes qui ont pris le chemin de Milan dans l’espoir d’être choisies pour piloter l’entrée du groupe Armani au Stock Exchange. À la suite des succès boursiers de Gucci et de Bulgari, deux fabricants de produits de luxe dont les actions ont doublé, voire triplé, de valeur ces deux dernières années, plusieurs créateurs de mode sont tentés de convertir leurs avoirs consolidés en investissements boursiers. De son côté, la Società Giorgio Armani Spa a “analysé la possibilité d’une introduction en bourse, mais aucune décision n’a encore été prise”. Le groupe Versace était sur le point d’entrer lui aussi en bourse lorsque le couturier a été assassiné. En un peu plus de vingt ans, Giorgio Armani a créé un vaste empire dont le chiffre d’affaires dépasse les 870 milliards de lires (3 milliards de francs), 70 % provenant des vêtements et 30 % des accessoires. Près de 80 % de la marchandise est exportée, l’Amérique du Nord étant le principal débouché avec 33 % des ventes totales. En 1995, le groupe Armani a soutenu la “Nouvelle peinture chinoise” à la Biennale de Venise et, l’année suivante, l’exposition “De Monet à Picasso” au Palazzo Reale de Milan, qui présentait les toiles impressionnistes et post-impressionnistes du Musée Pouchkine de Moscou. En 1996, Armani a commandé à l’artiste et metteur en scène américain Robert Wilson G.A. Story, une pièce sur l’œuvre, la vie et la nouvelle collection de Giorgio Armani, qui a été jouée à la Stazione Leopolda, à Florence.

Giorgio Armani, êtes-vous un collectionneur ?
Je ne suis pas un collectionneur, essentiellement pour des raisons d’altruisme. J’estime que les œuvres d’art appartiennent à une nation toute entière et qu’elles devraient être vues par le plus grand nombre.

Quels sont les artistes et la période que vous préférez ?
Il existe beaucoup d’artistes dont l’œuvre me passionne. D’abord, et avant tout, Monet, dont j’adore les couleurs délicates et lumineuses – je les reprends dans mes vêtements. J’aime l’expressivité de Picasso et sa force, sa générosité artistique, la passion qui est si évidente dans son œuvre. Mais j’apprécie tout autant l’antithèse de ces qualités : les portraits de Boldini, l’énergie de Matisse,
le romantisme de Corot et de Renoir, la sensualité de Michel-Ange…

Quel est votre rôle dans les activités culturelles de votre société ? Font-elles partie de votre stratégie commerciale ou constituent-elles un autre moyen de communication ?
Nos activités culturelles sont toujours sous mon contrôle ; je les considère comme des moyens de communication. Je n’ai pas l’habitude de faire les choses sans motif. Je reçois d’innombrables propositions d’intervention, mais celles que je retiens sont toujours proches de mon cœur et de mon esprit. Elles doivent aussi convenir à l’image de la société, parce que je suis convaincu que les actions culturelles sont plus profitables s’il existe une affinité entre leur instigateur et les objets
(ou les sujets) qui en bénéficient.

Pourquoi soutenir de grands événements comme l’exposition impressionniste du Palazzo Reale, en 1992 ?
Pour la première fois, je me suis offert le luxe d’associer mon nom à une initiative qui ne se restreignait pas à une petite élite mais était accessible à des centaines de milliers de Milanais, d’Italiens et de touristes. C’était un geste dont je me sentais redevable envers la ville, en tant que citoyen et représentant du monde de la mode, car Milan est la capitale de la mode. Et c’était aussi pour marquer son renouveau culturel. Avez-vous l’intention de créer une sorte de fondation dans l’avenir ? J’y pense depuis un certain temps. Maintenant que les choses vont être plus organisées dans ma société – car l’introduction en bourse nous a obligés à consolider les différents intérêts financiers du groupe – et nos objectifs plus clairs, je n’écarte pas la mise en œuve d’un tel projet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : Impressions d’Armani

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