Livre - Photographie

Frank Horvat : « De la mode & des jardins »

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 1997 - 591 mots

Né en 1928, Frank Horvat a été tout d’abord reporter avant de réaliser en 1957, pour le Jardin des modes, ses premières photographies de mode.

Il a désormais abandonné ce genre qui a largement contribué à sa notoriété, mais publie un “beau livre” couleur, De la mode & des jardins (Imprimerie nationale), qui rassemble cent chefs-d’œuvre du Musée Galliera montrant des parentés entre les principes de composition des jardins et ceux du costume. Frank Horvat n’a pas abandonné son 24x36, mais sa maison est désormais peuplée d’ordinateurs. Pour les thèmes qu’il explore – le bestiaire, la sculpture romane, la fiction… –, il retravaille ses images à l’ordinateur. Lui qui avait bousculé l’image de mode en plaçant ses mannequins dans la rue, imaginait depuis longtemps un livre avec de “vrais mannequins vivants” que l’ordinateur aurait fait disparaître. De la mode & des jardins est une “déviation” de ce projet puisqu’aucun mannequin ne pouvait porter les robes historiques du Musée Galliera. L’ouvrage est un défilé de vêtements sans corps.

Imaginer un personnage
"Pour moi, la mode a toujours été un prétexte pour faire des portraits de femme. Comme toute démarche poussée vers l’extrême, le portrait tendait de plus en plus à l’incorporalité, au virtuel. Le paroxysme est évidemment un portrait sans la femme ; je me suis amusé longtemps avec ce paradoxe. Il y a trente ans déjà, je faisais des photographies où l’on ne voyait pas de visage, la tête était coupée. J’essayais d’exprimer le caractère d’une personne par les gestes, par une attitude, par une lumière, par les plis du vêtement. Je n’irai pas jusqu’à dire que des portraits figurent dans ce nouveau livre, mais ces images auraient voulu en être. Je suis comblé si quelqu’un en les regardant peut imaginer un personnage". Pour stimuler cette imagination, il a fallu avant la prise de vues donner des plis, un minimum de mouvement aux vêtements. Puis Frank Horvat a travaillé avec des diapositives traditionnelles car, pour lui, les appareils numériques ne sont pas encore assez au point. L’image a été scannée pour être retravaillée à l’ordinateur : “Par un détourage simple, j’ai fait disparaître les mannequins en bois ou en tissu. Puis des petites astuces ont permis de remplir les vides. Une manche, un décolleté devaient suggérer ce qui était derrière le mannequin en bois, il fallait reconstruire. Ensuite, les couleurs des fonds ont été étudiées pour aller avec celles vêtements. Il faut néanmoins reconnaître que nous sommes davantage dans le domaine de l’interprétation que celui de la création”.

Toutefois, comme le regrette lui-même l’auteur, l’ouvrage présente certaines faiblesses, notamment dans quelques doubles pages qui manquent de matière et de netteté. “Je n’ai pas travaillé au grand format, qui n’a jamais été mon truc, et, d’autre part, utiliser une chambre aurait multiplié le coût du livre par cinq ou dix. Nous sommes encore dans un stade intermédiaire, les progrès vont venir. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas du tout la manie de l’image nette. Parfois trop d’information tue l’information”.

Aujourd’hui, Frank Horvat avoue qu’il n’a plus le même intérêt pour la photographie de mode. “Quand j’ai commencé à travailler, il y avait une aura, un prestige. Toutefois, des grands comme Balenciaga disparaissaient déjà. Dior apparaissait déjà comme un “créateur” par rapport à lui”. Peut-on encore inventer dans ce domaine ? “Les magazines de mode ont vraiment vieilli en tant qu’objets, ils ont besoin d’un renouvellement. Ils sont peu exigeants et rémunèrent peu les photographes. Ils emploient donc souvent des jeunes qui doivent travailler vite”. Le virtuel comme planche de salut ?

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : Frank Horvat : « De la mode & des jardins »

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