Quatuor spéculatif

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2009 - 559 mots

Au cours de l’année écoulée, de nombreux observateurs avaient parié sur la fin du quatuor spéculatif « Hirst-Koons-Murakami-Cattelan ».

La récession a-t-elle vraiment eu raison de ceux-ci ? Damien Hirst connaît certes une décadence à la Dalí. D’après Artprice, entre le 1er janvier et le 16 septembre 2008, 393 pièces de l’artiste anglais se sont vendues aux enchères en laissant à peine 8 % d’invendus. Dans le lot, il faut compter les quelque 223 pièces qu’il a dispersées les 15 et 16 septembre 2008 pour la somme mirifique de 111,5 millions de livres sterling (140,2 millions d’euros). Mais, toujours selon Artprice, entre le 17 septembre 2008 et le 1er juillet 2009, seuls 129 lots sont passés en ventes et, cette fois, 40,16 % des œuvres sont restées en rade. Artiste emblématique des années spéculatives, Hirst n’est plus en odeur de sainteté, sauf auprès de quelques soutiens irrévocables comme le collectionneur ukrainien Victor Pinchuk.
À l’image de son confrère britannique, Jeff Koons possède un grand atelier et fait travailler une noria d’assistants. Mais, contrairement à Hirst, il produit peu. Les prix de sa série Celebration n’en ont pas moins fortement baissé depuis la désertion des nouveaux acheteurs russes. Récemment, le hedge funder [gestionnaire de fonds spéculatifs] Steve Cohen aurait acheté un Hanging Heart pour environ 11 millions de dollars (7,8 millions d’euros). Soit moitié moins que le prix de 23,5 millions de dollars payé en 2007 par Victor Pinchuk pour un autre Hanging Heart. Les pièces anciennes sont davantage prisées. L’investisseur Thomas H. Lee a ainsi vendu en décembre 2008, via le cabinet Giraud-Pissarro-Ségalot, une édition du Jim Beam J.B. Turner Train pour plus de 15 millions de dollars.
Pressenti pour succéder à Xavier Veilhan à Versailles (lire p. 43 et 44), Takashi Murakami semble au premier abord ne pas trop mal s’en sortir. En février 2009, son exposition chez Gagosian à Londres fut sold out avec des œuvres dans une gamme prix allant de 500 000 dollars à 2 millions de dollars, somme vraisemblablement déboursée par Steve Cohen pour l’un de ses tableaux. La prochaine exposition, orchestrée du 12 septembre au 17 octobre à la galerie Emmanuel Perrotin, à Paris, serait aussi quasi prévendue. Les ventes publiques, elles, ne l’entendent pas de cette oreille puisque, d’après Artprice, 46,34 % des pièces proposées depuis un an sont restées sur le carreau.

Cattelan reste au top
Maurizio Cattelan est au final celui qui tire le mieux son épingle du jeu. Il partait pourtant avec la panoplie de l’artiste spéculatif : prix immodérés et goût non moins immodéré pour la communication. Mais, au cours de ces cinq dernières années, il a très peu produit. Préférant concentrer son talent dans d’autres activités, il a notamment édité les revues Charley et Permanent Food. Il a surtout gagné en 2006 l’estime de la critique grâce à l’excellente Biennale de Berlin dont il fut le commissaire avec ses camarades de jeu Massimiliano Gioni et Ali Subotnick. De fait, d’après Artprice, de janvier à septembre 2008, seules cinq pièces sont passées en vente. Depuis lors, treize œuvres ont été livrées aux enchères. En juin, Mini-Me (1999), une sculpture pourtant éditée à dix exemplaires, s’est vendue 493 250 livres (577 996 euros), sur une estimation de 180 000 livres. Visiblement, les gens ne se sont pas lassés de Cattelan comme ils ont pu se détourner des créateurs trop omniprésents.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°308 du 4 septembre 2009, avec le titre suivant : Quatuor spéculatif

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