Artisanat d'art - Profession

Nacrier

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 9 juillet 2009 - 732 mots

Un artisan d’art continue à travailler exclusivement ce matériau réputé pour ses effets d’irisation.

Eventail en dentelles, avec manche en nacre et argent doré, collection Musée de la nacre, Méru © D.R.
Eventail en dentelles, avec manche en nacre et argent doré.
© Musée de la nacre, Méru

C’est sur l’île d’Aix, petit croissant de terre de trois kilomètres de long situé entre les îles de Ré et d’Oléron, en face de La Rochelle (Charente-Maritime), qu’Hervé Gallet a décidé de perpétuer un métier en voie d’extinction, celui de nacrier. Depuis le XIXe siècle et jusqu’aux années 1980, c’est la ville de Méru, dans l’Oise, qui avait hissé la France au rang des pays leaders dans le domaine du travail de la nacre. Arrivée en Europe aux XIVe et XVe siècles, utilisée à partir du XVIIe siècle pour la fabrication des boutons, la nacre a pu faire travailler jusqu’à 12 000 personnes sur le secteur. La petite ville de l’Oise approvisionnait alors le marché parisien. Mais dans les années 1980, la concurrence philippine et indonésienne a sonné le glas de cette activité traditionnelle. Une seule manufacture y est aujourd’hui en activité, les établissements Mercier, toujours spécialisés dans le bouton de nacre haut de gamme. Un petit Musée de la nacre et de la tabletterie, labellisé « Musée de France », entretient encore le souvenir de cet artisanat traditionnel.

C’est donc à Méru que le père d’Hervé, Léon Gallet, se forme au travail de ce matériau lorsqu’il choisit cette voie, dans les années 1950. L’agriculture n’étant pas florissante sur l’île d’Aix, dont il  est originaire, il se lance dans la fabrication de poupées en coquillage, à partir des spécimens glanés sur les plages du rivage. Fort d’un certain succès commercial, Léon Gallet se spécialise progressivement dans le travail de la nacre. Devenue florissante, son entreprise emploiera, à son apogée, une quarantaine de personnes sur une île qui ne compte qu’une poignée d’habitants (un peu plus de 200 aujourd’hui). Mais la difficulté à remplacer le personnel après une vague de départs en retraite menace la pérennité de l’entreprise. En 2004, Hervé Gallet décide donc de racheter avec un associé l’entreprise familiale et de la relancer.

Concrétion de carbonate
Seules seize variétés de coquillages nacriers y sont travaillées – sur les 50 000 existantes –, pour une production qui concerne les arts de la table, la bijouterie, les luminaires…, tout sauf le bouton. L’ensemble des produits est écoulé sur place, dans deux boutiques. « Nous travaillons un peu à façon pour des créateurs, mais cela représente une part minime de notre chiffre d’affaires, précise Hervé Gallet. Nous avons déjà du mal à satisfaire la demande sur place. » Car l’entreprise, qui cherche à recruter, peine toujours à attirer des professionnels, rebutés par l’insularité mais aussi par l’absence de formations spécifiques. Pour sa part, Hervé Gallet, qui bataille pour obtenir la création d’une formation, a appris le métier au contact de ses parents. « En réalité, la nacre n’est pas une matière mais un effet, explique-t-il. Elle est déterminée par une conjonction entre la lumière, les concrétions calcaires de la coquille et certaines de nos capacités oculaires. Le nacrier est d’abord un révélateur. » Chimiquement, la nacre est en effet une simple concrétion de carbonate, « comme le calcaire qui se forme au fond de la bouilloire mais avec une cristallisation moins vulgaire », souligne Hervé Gallet. C’est la succession des couches de carbonate qui procure ainsi cet effet d’irisation à la matière. Le métier consiste donc à mettre en valeur les caractères de la coquille constituée par le mollusque. Les coquillages sont d’abord décapés à l’acide, puis « écroûtés » à la meule. Viennent ensuite les phases de satinage, de polissage – qui doit s’effectuer à froid car la nacre éclate à la chaleur –, puis de taille à l’aide d’outils diamantés. Le formage s’effectue alors en fonction de la forme de la coquille.

L’implantation sur un rivage n’est pas une nécessité. En effet, la matière première est importée des mers chaudes. « Il faut une température d’eau d’un minimum de 26 °C », explique Hervé Gallet, qui bénéficie heureusement de l’important stock de l’entreprise familiale. Les coquillages nacriers proviennent de mollusques destinés à la consommation (ormeau, nautile, huître…) et sont achetés à des conserveries. La Convention de Washington sur la protection des espèces menacées n’est donc pas une contrainte à l’exercice de ce métier rare.

Formation

Il n’existe aucune formation spécifique.
Musée de la nacre et de la tabletterie, 51, rue Roger-Salengro, 60110 Méru, www.musee-nacre.com.
Installé dans une ancienne manufacture, il permet de découvrir des ateliers de production reconstitués.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°307 du 10 juillet 2009, avec le titre suivant : Nacrier

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