Biennale

DESIGN

Biennale de Venise

Home Sweet Home

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2009 - 569 mots

Depuis quelques années maintenant, certains designers se prennent pour des artistes.

Depuis plus longtemps encore, des artistes flirtent avec le design. Plus que l’objet, c’est désormais l’espace domestique en son entier, en clair : la maison, qui semble être source d’inspiration. Ainsi en est-il pour nombre d’artistes de cette 53e Biennale d’art de Venise.
Dans le pavillon allemand, l’Anglais Liam Gillick a déployé Wir würden Sie sich verhalten/Eine Küchenkatze spricht, une œuvre constituée d’une vaste suite de placards en pin façon cuisine intégrée, qui lui a été inspirée par la fameuse Cuisine de Francfort imaginée en 1926 par l’architecte autrichienne Margarete Schütte-Lihotzky (lire les JdA no 239, 9 juin 2006, et no  292, 28 nov. 2008). La pièce se veut « un écho de modernisme fonctionnaliste en opposition à l’idéologie et à la splendeur corrompue du pavillon [allemand] ».
Modernisme fonctionnaliste encore  dans le Pavillon des expositions avec Wilhelm Noack oHG, de Simon Starling, lequel a dessiné l’un des plus beaux escaliers en colimaçon qui soit : la spirale métallique sert en réalité de dispositif de projection pour un film qui montre sa construction par une fabrique de métal berlinoise. Lisse haute et lisse basse sont constituées d’une multitude de « débiteurs » tels ceux qui ornent les projecteurs 35 mm. Le film qui défile lors de la projection fait, lui, office de garde-corps. Remarquable !

Un agent immobilier  à l’accueil
L’Allemand Tobias Rehberger repense, lui, l’espace dans son intégralité. Avec la firme finlandaise Artek, éditeur du mobilier d’Alvar Aalto, il a conçu la cafétéria du nouveau Pavillon des expositions (ex-pavillon italien). S’inspirant du motif « dazzle », peinture décorative inventée par les Britanniques pendant la Première Guerre mondiale pour camoufler les bateaux (lire le JdA no 267, 19 oct. 2007), l’artiste a habillé murs et meubles de lignes brisées et de puissants contrastes colorés qui sèment la confusion visuelle. Grâce à cette installation psychédélique, Rehberger a décroché le Lion d’or du meilleur artiste.
À quelques pas de là, le duo Michael Elmgreen (Danemark) et Ingar Dragset (Norvège) a fusionné pavillons nordique – Finlande, Norvège, Suède – et danois pour une œuvre au parti pris radical, intitulée The Collectors, amusante fiction fondée sur la psychologie du collectionneur. Ces environnements domestiques « inhabitables » sont des métaphores, à la fois « reflets de questions socioculturelles, sexuelles et spirituelles, et portraits des anciens habitants ». Ainsi, le pavillon nordique a été transformé en une élégante maison moderniste, comportant tous les attributs du confort – cuisine, chambre, salle de bains… –, un « Home Sweet Home » hédoniste et ouvertement gay (des dessins de Tom of Finland, une collection de shorts moulants en Lycra baptisée « Butterflies » par Han & Him…). L’espace danois, lui, s’est métamorphosé en un « pavillon » bourgeois aménagé avec goût et rigueur, n’étaient-ce quelques menus désordres comme un escalier démoli ou une table de séjour fendue en deux (Elmgreen & Dragset). Le trio de designers norvégiens Norway Says y a installé ses propres meubles, tandis que le marchand milanais Massimo De Carlo a déployé dans la cuisine une belle collection de céramiques multicolores. Une visite guidée est assurée par un pseudo-agent immobilier. L’ensemble est impeccable. Pas étonnant si Elmgreen & Dragset ont décroché une mention spéciale. À l’entrée de ce « pavillon », un « vrai-faux » panneau d’agence immobilière dû au Finlandais Jani Leinonen annonce la couleur : For Sale [À vendre]. On s’y croirait.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°307 du 10 juillet 2009, avec le titre suivant : Biennale de Venise

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