Retour au pays

L’enfance du paysage

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2009 - 556 mots

Yan Pei-Ming expose pour la première fois à Pékin

PÉKIN - C’est par un bruit assourdissant de soufflerie que sont accueillis en ce moment les visiteurs du Ullens Center for Contemporary Art (UCCA) à Pékin. Pour le peintre Yan Pei-Ming, qui y a été invité à exposer, « ce bruit énorme est comme celui de la vie quotidienne. Autrefois, la vie était vraiment silencieuse, il n’y avait pas de voiture… L’homme aujourd’hui est habitué au bruit ». Ici, le souffle est tellement puissant que les gardiens ont été équipés de casques antibruit ! Mais quelle est cette source sonore ? Il s’agit tout simplement des souffleries qui propulsent de l’air dans des mâts pour faire flotter trente-quatre drapeaux sur lesquels ont été peints les portraits d’enfants chinois.
La salle dans laquelle Ming est intervenu se déploie sur 2 500 m2, une architecture de type Bauhaus rénovée récemment par l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Peinte en blanc, minimaliste, cette gigantesque halle est incontestablement impressionnante. Dès le départ, l’artiste a voulu utiliser l’espace dans son intégralité, et renoncer à y installer des cimaises. Il ne s’agissait donc pas dans son esprit d’accrocher des peintures au mur, mais bien de souligner l’architecture par une œuvre qui jouerait avec elle. Pour un peintre habitué à la toile, comme on a pu encore récemment le constater au Musée du Louvre (lire le JdA no 298, 6 mars 2009, p. 13), le pari était important. Il est relevé ici avec brio.

Images de l’enfance flottant
Mis en mouvement par les souffleries, les drapeaux noirs s’animent dans l’espace, donnant vie aux visages que l’artiste y a peints. Depuis de nombreuses années, Myriam Ullens – qui est avec son mari Guy à l’origine de l’UCCA – mène une action sociale et humanitaire au travers de la Happy House Foundation. Celle-ci finance par exemple des orphelinats et des écoles. Cette exposition a été réalisée en partenariat avec une autre ONG, « The United Foundation for Chinese Orphans » (la Fondation unie pour les orphelins chinois). C’est à partir de photographies d’enfants pris en charge par cette organisation que Yan-Pei Ming a réalisé ces visages d’enfants sur les drapeaux. Ce « Paysage de l’enfance », pour reprendre le titre de l’exposition, se déploie au sens propre au fond de la halle où l’artiste a réalisé pour la première fois une immense peinture à même le mur. On y retrouve sa technique, sa matière, son usage de la grisaille pour composer ce paysage idéalisé, inspiré par les souvenirs d’enfance du peintre quand il retrouvait ses grands-parents dans la campagne chinoise.
Né à Shanghaï, installé à Dijon depuis le début des années 1980, Yan-Pei Ming, qui expose ici pour la première fois à Pékin, reste très attaché à notre pays. « Je suis l’un des artistes chinois les plus français, explique-t-il. J’ai bénéficié aux Beaux-Arts [de Dijon] d’un enseignement gratuit. C’est la France qui m’a donné ma chance. Elle est l’un des seuls pays où un artiste étranger peut réussir. Aujourd’hui, je reste en France où je suis installé. La France, c’est vraiment un pays que j’adore. » Une déclaration d’amour qui arrive au moment où l’artiste s’expose à ses compatriotes chinois, sur l’invitation de Jérôme Sans, un commissaire d’exposition… français !

YAN PEI-MING

Commissaire : Jérôme Sans
Nombre de mas et drapeaux : 34
Superficie de l’exposition : 2 500 m2

YAN PEI-MING : LANDSCAPE OF CHILDHOOD, jusqu’au 11 octobre, UCCA, 798 Art District, No.4 Jiuxianqiao Lu, Chaoyang District, Pékin, Chine, tél. 86 10 8459 9269, tlj sauf lundi 10h-19h, www.ucca.org.cn

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°307 du 10 juillet 2009, avec le titre suivant : L’enfance du paysage

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