Ornement

L’envers du décor

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2009 - 411 mots

Le Palais Lumière, à Évian, revient sur les travaux décoratifs peu connus d’Auguste Rodin

ÉVIAN - En 1899, le baron Joseph Raphaël Vitta passe commande à Auguste Rodin (1840-1917) d’un ensemble décoratif destiné à orner le vestibule de sa villa La Sapinière, demeure de style florentin sise à Évian-les-Bains (Haute-Savoie), sur les bords du lac Léman. Entre 1901 et 1904, le sculpteur livre deux tympans (L’Automne et le Printemps, L’Été et l’Hiver), deux jardinières (La Vendange et La Moisson) et un relief (L’Automne). Auguste Rodin décorateur d’intérieur ? Âgé alors d’une soixantaine d’années, l’artiste jouit d’une réputation internationale inégalée, ne rendant plus aussi nécessaires les travaux alimentaires. Mais l’époque est au brouillage des pistes, ou plus précisément au décloisonnement entre disciplines artistiques. Rien d’étonnant donc pour un sculpteur de s’atteler à la production d’objets et d’éléments ornementaux venant compléter un décor ; a fortiori pour Rodin qui avait débuté dans des ateliers d’ornemanistes avant de se perfectionner sous l’œil attentif du sculpteur et décorateur Albert Ernest Carrier-Belleuse. Ce dernier avait même fait appel à Rodin pour participer à la relance des activités de la Manufacture de Sèvres dans les années 1880. On ne s’improvise pas sculpteur de génie du jour au lendemain…

C’est une facette inhabituelle de l’artiste que dévoile l’exposition préparée par le Musée Rodin pour le Palais Lumière, à Evian – plus du tiers des œuvres présentées n’ont jamais été montrées au public. On y découvre un Rodin décorateur de vases de porcelaine, imaginant des décors de cheminées pour un mécène ou explorant diverses techniques comme la pâte de verre ou le grès. Dans la veine des productions du musée parisien, l’exposition évianaise offre un parcours pédagogique au riche contenu scientifique et propose une analyse fort pertinente de ce décloisonnement le plus souvent synonyme d’ambiguïté : où s’arrête l’œuvre d’art et où commence le bibelot ? La salle consacrée à La Porte de l’Enfer rappelle ainsi qu’avant d’être une œuvre à part entière, elle est le résultat d’une commande d’État à destination du Musée des arts décoratifs. Enfin, Le Penseur n’a évidemment pas le même impact selon que son format est monumental ou réduit à l’objet de vitrine au profit d’une clientèle bourgeoise, ravie de ramener un petit morceau d’un grand artiste chez elle.

RODIN

Commissaires : François Blanchetière, conservateur au Musée Rodin, Paris ; William Saadé, conservateur et enseignant à l’université de Lyon-II

Nombre d’œuvres : 168 dont 145 proviennent des collections du Musée Rodin

Scénographie : Frédéric Beauclair

RODIN, LES ARTS DÉCORATIFS

Jusqu’au 20 septembre, Palais Lumière, quai Albert-Besson, 74500 Évian, tél. 04 50 83 15 90, www.ville-evian.fr, tlj 10h30-19h, 14h-19h le lundi. Catalogue, éd. Alternatives, 304 p., 39 euros, ISBN 978-286227-599-4.

L’exposition se tiendra sous une forme réduite au printemps 2010 au Musée Rodin, à Paris, sous le titre « Corps et décors ».

À savoir : Reconvertie en centre associatif de rééducation physique, la villa La Sapinière est exceptionnellement ouverte aux visiteurs le temps de l’exposition (du lundi au vendredi, 14h-18h, accès par bus, billet en vente à l’accueil du musée).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°307 du 10 juillet 2009, avec le titre suivant : L’envers du décor

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque