Magda Danysz, galeriste à Paris

« L’énergie de Shanghaï est hallucinante »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2009 - 763 mots

Lorsque vous avez ouvert une galerie voilà dix ans dans le 13e arrondissement, votre espace était situé en retrait de la rue Louise-Weiss. En 2007, vous vous êtes installée à la lisière du Marais et du 11e arrondissement (1). Aimez-vous être légèrement décentrée ?
En réalité, les opportunités d’espace ont à chaque fois dicté mes choix. Mais en même temps, cette configuration-là me plaît car elle m’oblige à me battre davantage. Dans le 13e, j’ai pu avoir beaucoup de liberté car le quartier était lui-même en construction. Le Marais a une énergie préexistante, avec un côté mélange des publics.

Vous inaugurez le 25 juin une antenne à Shanghaï. Pourquoi ouvrir à un moment où le marché chinois semble en berne ?
J’ai eu un coup de cœur pour Shanghaï et j’y cherchais un espace depuis un an. L’énergie de cette ville est hallucinante et beaucoup reste à faire. La Chine se porte moins mal qu’on ne le pense et la perspective de l’Exposition universelle de 2010 crée une effervescence. Je me donne un an pour faire le point.

Vous vous êtes spécialisée dans l’art urbain. En quittant la sphère de la rue pour celle de la galerie, cet art a-t-il encore un sens ? Ne devient-il pas juste « déco » ?
Les artistes graffeurs ont toujours eu une double pratique, dans la rue et en intérieur. La pratique « en atelier » est complémentaire et non « déco ». Seuls changent le temps d’exécution et les techniques. Il est par exemple difficile de faire du collage dans la rue. Ce qui compte dans la ville, c’est l’impact. Il s’agit de frapper tout de suite, d’être visible. C’est excitant, mais frustrant aussi car le graffiti est éphémère. En atelier, les artistes peuvent se concentrer et détailler. On doit aussi rappeler la répression énorme exercée sur le graffiti. Or les bons artistes ont toujours eu besoin de s’exprimer et ils l’ont alors fait en intérieur.

Pourquoi l’art urbain est-il plus visible aujourd’hui, notamment dans les ventes publiques ?
C’est un effet générationnel. Les artistes ont souvent commencé à l’adolescence. Ils ont aujourd’hui la quarantaine, ils sont actifs et ont envie de construire une carrière. Ceux qui les ont soutenus ont aussi pris de l’âge et ils peuvent désormais agir sur le marché. Nous ne sommes plus dans l’amateurisme. Quant aux maisons de ventes, elles se précipitent sur les niches dès que celles-ci révèlent un potentiel commercial satisfaisant. Mais on est loin encore du niveau des artistes chinois.

Les prix importants décrochés par le graffeur Banksy n’ont-ils pas tiré vers le haut la cote des autres artistes ?
Pas nécessairement. Il y a encore des légendes de la rue qui valent entre 2 000 et 5 000 euros. Les adjudications renforcent une reconnaissance plus qu’elles ne font grimper les cotes de manière généralisée.

Les graffeurs sont souvent captés par les marques. Miss Tic a fait de la publicité pour les camions Ucar tandis que Fafi a conçu des baskets pour Adidas. Ces récupérations ne vous inquiètent-elles pas ?
Depuis les années 1980, les marques ont fait travailler les graffeurs avec plus ou moins de sincérité. Cela a toujours été un danger.

Les affiches d’Obama réalisées par l’un de vos artistes, Shepard Fairey, se sont vendues comme des petits pains. Cela a-t-il eu une incidence sur sa carrière ?
Oui, cela a joué au niveau institutionnel. Il a été acquis dans la foulée par le Smithsonian Institution puis il a exposé à l’Institute of Contemporary Art de Boston [Massachusetts]. Mais Shepard a toujours été sold out, même quand l’art urbain était plus confidentiel.

Comment vivez-vous la crise ?
Il y a moins d’achats coup de cœur. Les petites ventes entre 500 et 1 500 euros existent encore, mais les gens réfléchissent davantage. Ils préfèrent acheter une grosse pièce. Mon chiffre d’affaires est, du coup, identique à 2008 sur la première moitié de l’année. Les salons se remettant actuellement en question, je me suis recentrée sur la galerie. Je fais plusieurs soirées de vernissage, des signatures de livres.

La foire Show Off que vous co-organisez aura-t-elle encore lieu cette année ?
Oui, la prochaine édition aura lieu sous tente, sous le pont Alexandre III. Nous avons voulu changer de lieu pour reprendre les choses en main et augmenter la qualité. L’Espace Cardin n’est pas évident pour montrer des œuvres et les exposants ont eu tendance à saturer leurs stands. Nous voulons un meilleur outil qui nous permettra de demander aussi le meilleur de la part des galeries. Celles-ci devront désormais soumettre des projets précis.

(1) 78, rue Amelot, tél. 01 45 83 38 57, www.magda-gallery.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : Magda Danysz, galeriste à Paris

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