Rencontre

L’art au château

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2009 - 502 mots

Un dialogue inédit entre la collection du CAPC de Bordeaux et celle de l’amateur Louis Nègre.

SAUTERNES - Exposer au Château Guiraud, à Sauternes (Gironde), plus de vingt œuvres issues de la collection du CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux, et autant de pièces provenant du collectionneur Louis Nègre, relève d’une gageure tant le vis-à-vis public-privé est rarissime. « Je ne pense pas que le musée soit un temple, et le reste, des marchands hors du temple, déclare Charlotte Laubard, directrice du CAPC. Tout le monde sait que lorsqu’on fait une grande exposition dans un musée, la cote de l’artiste grimpe. Cessons d’être hypocrites ! » Cette initiative aussi louable qu’inédite prolonge le partenariat engagé entre le musée, le collectionneur et le propriétaire du Château Guiraud, Robert Peugeot. Ce dernier avait sponsorisé la publication en 2007 du catalogue des collections du CAPC par la maison d’édition Féret, propriété de Louis Nègre.
Pour l’amateur comme pour l’institution, ce face-à-face intitulé « Quand la première ivresse des succès bruyants… » s’est révélé instructif. Du côté du CAPC, il a induit une relecture de l’inventaire du musée. Sont sorties des réserves certaines œuvres rarement montrées comme les bouleversantes Chimères d’Annette Messager. Guidé vers la scène californienne par la conseillère Patricia Marshall, et vers les artistes émergents via la conservatrice Christine Macel, Louis Nègre pourrait étendre son spectre. Il confie avoir été tellement saisi par les Quatorze lustres des ateliers brûlés de Sarkis, issus du CAPC, qu’il songerait à se pencher sérieusement sur le travail de cet artiste.

Associations hasardeuses
Reste que l’exercice du dialogue se révèle parfois bancal. Une collection encore jeune ne joue pas dans la même cour qu’un fonds public composé de quelques poids lourds. Un hiatus qui ne serait pas dérangeant si le parcours dessinait de vraies séquences et des connivences entre les pièces. Certes la confrontation de la vidéo de Kolkoz (collection Louis Nègre) et de la peinture de Peter Halley (CAPC) engendre un vrai sentiment d’aliénation. Mais tous les rapprochements ne sont pas aussi fluides, contraintes spatiales obligent. Charlotte Laubard revendique ici une interprétation des œuvres « élastique ». Difficile pourtant d’expliquer la contiguïté de la vidéo Wall/Floor Positions de Bruce Nauman et de la sculpture Recherche de la Certitude 1 de Richard Baquié, issues toutes deux de la collection du CAPC. Si la première s’inscrit bien dans l’espace confiné, la présence de la seconde semble plus obscure. Le tête-à-tête entre le tableau de Fabrice Hyber, Bonbon très bon (CAPC), et l’avion de Richard Jackson (Louis Nègre), supposés renvoyer l’un et l’autre à la pratique d’atelier, apparaît tiré par les cheveux. Surtout lorsque s’y greffe une photographie évanescente de Janaina Tschäpe. Le partenariat entre le musée et le collectionneur gagnerait à être reconduit dans un lieu plus approprié.

QUAND LA PREMIÈRE IVRESSE DES SUCCÈS BRUYANTS…, jusqu’au 11 octobre, Château Guiraud, 33210 Sauternes, tél. 05 56 76 61 01, tlj 9h-12h et 14h-17h, www.chateau-guiraud.fr. Cat., éd. Féret.

QUAND LA PREMIÈRE IVRESSE…
Commissaire : Charlotte Laubard
Nombre d’artistes : 32
Nombre d’œuvres : 47

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : L’art au château

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