Art moderne

Opération séduction

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2009 - 708 mots

Les impressionnistes ont fait recette avec des estimations attractives et des toiles inédites.

NEW YORK - Les 5 et 6 mai à New York, Sotheby’s et Christie’s livraient aux enchères une sélection prestigieuse d’œuvres impressionnistes et modernes, comptant à peine plus de 80 lots cependant. L’attentisme des vendeurs et l’absence de prix garantis pour doper les ventes ont conduit à une inexorable baisse des volumes, mais pas nécessairement des attentes en termes de prix. « Nous sommes dans un marché de transition, où les vacations manquent d’homogénéité. Les vendeurs n’étaient pas encore prêts à accepter des estimations stratégiques », explique Thomas Seydoux, directeur international du département chez Christie’s. Sotheby’s en a fait les frais en ravalant ses deux pièces phares d’art moderne : Le Chat en bronze d’Alberto Giacometti, estimé 16 à 24 millions de dollars (11,7-17,5 millions d’euros), et La Fille de l’artiste à deux ans et demi avec un bateau (1938) de Pablo Picasso, estimé 16 à 24 millions de dollars, « tous les deux surestimés », admet la maison de ventes. A contrario, une Composition en noir et blanc avec doubles lignes (1934) de Piet Mondrian, largement sous-estimée 3 à 5 millions de dollars, est montée jusqu’à 9,2 millions de dollars. « Sans surprise, elle a fait son prix. Le marché a corrigé l’estimation », souligne Andrew Strauss, directeur du département parisien de Sotheby’s. Chez Christie’s, deux Picasso tardifs, Mousquetaire à la pipe (1968) et Femme au chapeau (1971), adjugés respectivement 14,6 et 7 millions de dollars, ont dépassé de justesse leur prix de réserve. Tandis que le tableau de Max Ernst, Malédiction à vous les mamans (1928), estimé 7 à 9 millions de dollars, est resté sur la touche. Malgré ces excès pour l’art moderne, 80 % des lots ont été vendus chez les deux auctioneers.
Plusieurs tableaux importants de Tamara de Lempicka étaient à l’honneur. Aucune œuvre majeure n’était passée sur le marché depuis plusieurs années pour cette artiste, échappant ainsi à l’inflation qui a marqué cette période. Proposées à des prix raisonnables, les toiles de Lempicka avaient un fort potentiel commercial auprès des collectionneurs. À 4,9 millions de dollars, le Portrait de Marjorie Ferry (1932) a réalisé chez Sotheby’s un prix record, battu chez Christie’s le lendemain par un Portrait de Madame M. emporté pour 6,1 millions de dollars.

Recréer l’envie
Mais la plus grande surprise est venue des tableaux impressionnistes. On les croyait passés de mode. Du coup, les vendeurs ont lâché du lest sur leurs prétentions. Des estimations attractives ont permis de relancer la machine. « En ayant été ultra-conservateurs dans les estimations, nous avons recréé l’envie, et vendu tous les tableaux impressionnistes, y compris les Pissarro », rapporte Thomas Seydoux. La Cueillette des pommes (1881) et Les Coteaux de Thierceville vus de la cavée (1884), signés Camille Pissarro et estimés au plus haut 1,8 et 1,2 million de dollars, sont partis respectivement à 3,3 et 1,4 million(s) de dollars. Chez Sotheby’s, les impressionnistes affichaient également des estimations séduisantes. Ainsi, deux toiles de Pissarro, La Gardeuse de chèvre (1881) et Inondation à Pontoise (1882), estimées au maximum 1,8 et 1,2 million d’euros, sont montées à 2,5 et 3 millions de dollars. Une troisième peinture de Pissarro, La Vallée de la Seine aux Damps, jardin d’Octave Mirbeau (1892), estimée 1 à 1,5 million de dollars, a été vendue 2,5 millions de dollars, soit près de 50 % de plus que son prix obtenu à Londres, le 20 juin 2006 chez Christie’s. 3,2 millions de dollars (le double de l’estimation basse) ont été enregistrés pour une toile de Renoir représentant le peintre Claude Monet et Mme Henriot (1880) dans une barque sur l’eau. Enfin, il n’y avait pas moins de dix enchérisseurs pour le Voilier sur le petit bras de la Seine, Argenteuil (1872) signé Claude Monet et adjugé 3,5 millions de dollars, le double de son estimation haute.

SOTHEBY’S
Estimation : 81 à 118 millions de dollars
Résultats : 61,3 millions de dollars
Nombre de lots vendus/invendus : 29/7
Lots vendus : 80,6 % ; en valeur : 59 %

CHRISTIE’S
Estimation : 95 à 134 millions de dollars
Résultats : 102,7 millions de dollars
Nombre de lots vendus/invendus : 38/10
Lots vendus : 79 % ; en valeur : 94 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : Opération séduction

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