PAROLES D’ARTISTE

Dominique Blais

« Je ne fais pas d’œuvre purement sonore »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2009 - 723 mots

A la Galerie Xippas, à Paris, Dominique Blais (né en 1974) déploie une exposition très complète dans laquelle des modes d’expression variés questionnent les perceptions, bien au-delà de la réception sonore.

Votre exposition présente des œuvres de natures très diverses, comme Transmission, pièce sculpturale, une installation sonore et vidéo, des dessins issus de poudre de fusain projetée par des enceintes… Vous est-il nécessaire de travailler avec des médiums et supports différents ?
Il ne s’agit pas nécessairement d’un besoin. Mais en effet, j’éprouve toujours une attirance pour des médiums avec lesquels je n’ai pas encore travaillé car j’aime aller vers la nouveauté, expérimenter. Ces derniers temps, j’ai réalisé beaucoup d’installations, dispositifs demandant à être présentés dans un espace autonome. La problématique de l’exposition en galerie est un peu différente. Nous souhaitions montrer beaucoup plus de pièces que je ne le fais d’ordinaire. C’est en réfléchissant à ce projet que sont venus ces dessins, issus d’une idée de projection du son, alors qu’habituellement je n’en fais pas. Toutes ces œuvres sont reliées par une forme de logique. Elles tiennent sur l’idée de la technique et d’un entre-deux, entre le visible et l’invisible, l’audible et l’inaudible. Et aussi sur l’attention qu’on peut leur porter, soit l’écoute au sens sonore comme au sens visuel d’« être à l’écoute » !

Il est intéressant que vous parliez de l’écoute et du visuel car on vous catégorise souvent en tant qu’« artiste sonore ». Qu’en pensez-vous ?
Je ne me définis absolument pas comme un artiste sonore. En revanche, je travaille effectivement depuis de nombreuses années avec le son. C’est une de mes sources d’intérêt, avec des approches assez précises. La façon dont on travaille les sons peut être très variable, elle peut tendre vers des choses plutôt abstraites ou électroniques, ou plus concrètes comme avec l’installation visible à « La force de l’art 02 » (Sans titre (Lustre), 2008). Il s’agit là d’enregistrements de bruits dans une maison, où je ramène dans l’audible des choses auxquelles on ne fait pas attention ; tous les sons qui se situent dans une sorte de sous-couche m’intéressent. Puis, au-delà, traiter ce rapport au son passe par l’image, la sculpture ou l’installation. Je ne fais pas d’œuvres purement sonores car elles sont aussi visuelles. Je suis plasticien et peux travailler sur tous les modes. Le son est là, mais j’ai également besoin que le spectateur le perçoive même lorsqu’il n’y en a pas.

Comment amener le public à percevoir le son lorsqu’il est absent ?
Peut-être en le confrontant à des choses qui peuvent être un peu difficiles, comme la vidéo-projection Turn on, Tune in, Drop out. L’image – les mouvements d’un percussionniste en train de jouer – est difficilement perceptible car située en pleine lumière. Ce qui ressort donc principalement de l’œuvre sont les deux blocs sur pieds installés devant elle, qui rappellent des enceintes. Mais si on les regarde attentivement, on voit que leur construction est différente car le haut-parleur est orienté vers l’intérieur de la boîte. En fait, ces enceintes inversées sont des pièges à son, avec à l’intérieur une technologie qui l’emprisonne. Je propose un dispositif qui, d’ordinaire, donne à voir de l’image et restitue du son, mais qui, ici, tend plutôt vers le silence, tout en étant visuel et sonore en même temps.

Votre travail, qui nécessite des dispositifs techniques très calculés, renvoie toutefois un aspect « low tech ». Dans Transmission par exemple, les armoires sont imposantes, avec cette multitude de câbles, alors que sur leur face arrière elles sont creuses.
Je crois en effet être aux antipodes de la technologie. Évidemment je l’utilise, mais même lorsque je fais usage d’informatique, de cartes sons, etc., ce sont des choses que je ne donne pas forcément à voir car je n’ai justement pas envie d’aller vers trop de spectaculaire. L’aspect un peu « low tech », un peu bricolé, vient aussi de mon mode de travail, où j’essaye beaucoup de choses dans mon atelier. Et quand je m’adresse à d’autres pour réaliser des dispositifs un peu techniques, j’ai besoin d’en comprendre le processus. Car je me dis que si j’y parviens, celui-ci peut aussi se révéler à une tierce personne.

DOMINIQUE BLAIS, jusqu’au 20 juin, Galerie Xippas, 108, rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, tél. 01 40 27 05 55, www.xippas.com, tlj sauf dimanche-lundi 10h-13h et 14h-19h, samedi 10h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : Dominique Blais

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