Peinture

Si loin, si proche

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 12 mai 2009 - 494 mots

Alain Mérot propose une nouvelle histoire de l’art du paysage dit « classique ».

« Les historiens de l’art ont longtemps décrit l’évolution de la peinture de paysage en Occident comme le passage de l’asservissement d’un genre mineur, complément ou cadre de la peinture d’Histoire, à une libération et à une indépendance, l’accessoire devenant l’essentiel. » Fort de ce constat, parce qu’un schéma « aussi linéaire est aujourd’hui contesté », l’historien de l’art Alain Mérot s’est essayé à une nouvelle approche de l’avènement puis du déclin du paysage dit « classique ». Son histoire se déroule des années 1500 au début du XIXe siècle et fait la part belle au XVIIe siècle à travers les deux maîtres absolus du genre : Claude Lorrain et Nicolas Poussin. On croise aussi au fil des pages des artistes comme Pisanello, Mantegna, Léonard de Vinci, Carrache, le Dominiquin, Rubens, Watteau, Gainsborough, Pierre Henri de Valenciennes ou Caspar David Friedrich. Leurs œuvres sont minutieusement décrites pour montrer comment le paysage a été un terrain d’expérimentation singulier mais indissociable de l’histoire globale de la peinture occidentale. L’auteur restitue ainsi au paysage artistique « son statut d’objet culturel » et le replace« dans le système des arts d’une époque donnée ». Revenant en introduction sur la méthodologie de sa recherche, Mérot déclare avoir tenté de dépasser la littérature disponible sur le sujet : d’une part, des études trop empiriques ; d’autre part, des analyses purement iconologiques. Pour ce, les mots ne sauraient se passer des images. Conformément aux principes de la collection « Bibliothèque illustrée des Histoires » des éditions Gallimard, le texte s’appuie sur une iconographie abondante qui permet de suivre l’auteur dans ses analyses – et, au passage, de reprendre son souffle parmi cette somme de connaissances. L’historien a organisé sa démonstration selon trois grandes thématiques : « Le modèle descriptif », ou une approche détaillée de la nature dans un souci de vérité ; « Le modèle théâtral », qui redéfinit le paysage dans un espace précis à travers les notions de cadre et de perspective. Enfin, « L’invention poétique » ou comment le paysage sort du champ descriptif pour traduire certaines vérités, jouant sur plusieurs degrés de lecture. Intitulée « Le paysage au risque de sa destruction », la dernière partie aborde le paysage comme une expérience jusqu’au-boutiste : avec Poussin, Dughet ou Rosa, le paysage permet à la peinture de dépasser ses limites au risque de sa propre dissolution, et ce, bien avant la crise de la représentation du XVIIIe siècle et le romantisme. À l’aube du XXIe siècle, le paysage classique décrit par Alain Mérot apparaît « dans toute son étrangeté, avec une sorte d’exotisme, comme le témoin d’un monde disparu ». Un monde complexe que les clefs de lecture fournies par son essai rendent un peu moins opaque.

Alain Mérot, Du paysage en peinture. dans l’Occident moderne, éd. Gallimard, coll. « NRF, Bibliothèque illustrée des Histoires », 2009, 444 p., 39 euros, ISBN 978-2-07-078108-9.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°303 du 16 mai 2009, avec le titre suivant : Si loin, si proche

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