Un Grand Paris consensuel

Le grand conciliateur

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 12 mai 2009 - 799 mots

Le 29 avril à la Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, Nicolas Sarkozy a donné sa vision du Grand Paris : un projet consensuel destiné à rallier élus et architectes. Pierre angulaire de ses annonces, la dérégulation du droit de l’urbanisme pose problème quant au respect des espaces protégés et zones patrimoniales.

PARIS - Fédérer toutes les sensibilités sous la bannière de son projet pour le Grand Paris. Tel était l’objectif du long discours tenu le 29 avril à la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA) par le chef de l’État, devant un parterre d’élus et de membres du gouvernement. Soit à l’endroit même où il avait prononcé, en 2007, son premier discours de politique culturelle, dans lequel il annonçait l’ambition de son mandat de « remettre l’architecture au cœur des choix politiques » (lire le JdA no 266, 5 octobre 2007, p. 5). Son projet ne privilégiera donc pas les grands travaux – même si le président de la République tient à la Philharmonie qui sera construite par Jean Nouvel à la Villette –, mais le remodelage du tissu urbain francilien. À l’issue de ces annonces, une mission de réflexion avait été confiée à dix équipes d’architectes. Leurs propositions font l’objet d’une exposition à la CAPA, que le président était venue inaugurer.

En finir avec les zonages
Éminemment politique, le propos de Nicolas Sarkozy s’est déroulé en deux temps. Sa déclaration a d’abord pris un ton humaniste. « Le point de vue de l’Homme est le seul point de vue qui vaille pour penser la ville », a-t-il insisté. Citant la formule de Victor Hugo sur Paris, « le vrai, le beau, le grand », en lui adjoignant « le juste », il a également plaidé en faveur du beau en matière d’urbanisme. « La civilisation commence quand la politique et l’esthétique se lient l’une à l’autre », a-t-il soutenu. Le président a ensuite tenu à rallier à sa cause les élus franciliens de tous bords, chez qui l’inquiétude avait été soigneusement entretenue depuis la publication des préconisations du rapport Balladur, favorable à un remodelage complet de la carte administrative de la région. S’en est suivi un saupoudrage d’annonces, puisées judicieusement dans chacun des projets qui lui ont été présentés : investissement dans les transports en commun conciliant les engagements pris par la Région Île-de-France (PS) et le projet de son secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale, Christian Blanc ; multiplication des pôles d’excellence (plateau de Saclay, la Défense, Le Bourget, la Plaine Saint-Denis…) ; aménagement du port du Havre (Seine-Maritime) en grand port de la capitale ; création d’une « vallée de la culture » le long de la Seine ; implantation d’une nouvelle forêt dans le cône de bruit de Roissy…
Une fois ces promesses distribuées, le discours du chef de l’État a pris un autre accent, nettement plus libéral. S’il a affirmé qu’un équilibre était à trouver entre la « main invisible du marché » et la « planification rigide », il a présenté les grandes lignes du mode d’action préconisé : modifier la gestion du foncier grâce à une dérégulation du droit de l’urbanisme. « Le problème, c’est la réglementation, a expliqué Nicolas Sarkozy. Pour libérer l’offre il faut déréglementer : élever les coefficients d’occupation des sols (COS) et rétablir la continuité du bâti dans les zones denses ; permettre à chaque propriétaire d’une maison individuelle de s’agrandir, d’ajouter une pièce ou un étage ; rendre constructibles les zones inondables pour des bâtiments adaptés. » Soit un amalgame de fausses bonnes idées. Las des zonages archaïques, des réglementations trop contraignantes, des COS castrateurs. Le droit de l’urbanisme, régi par « un code de 8 volumes et plus de mille pages », a ironisé le président, sera donc amendé. Il faudra en effet « en finir avec tous les zonages et pas seulement ceux de la politique de la ville ». Autrement dit rompre avec le fonctionnalisme pour rétablir la mixité, ceci au prix d’une disparition de tous les zonages, y compris ceux des zones protégées, sites naturels et patrimoniaux, ou des zones littorales ? Grâce à un projet de loi qui devrait être présenté rapidement au Parlement, c’est désormais le libéralisme le plus débridé qui risque de primer en matière de droit de l’urbanisme. Le président veut en effet que chaque propriétaire puisse s’agrandir sans contrainte. Mais qui sera le garant de la qualité architecturale quand le recours à l’architecte n’est obligatoire qu’au-dessus d’un seuil de construction de 170 mètres carrés ?

LE GRAND PARI(S), EXPOSITION DES RÉSULTATS DE LA CONSULTATION INTERNATIONALE SUR L’AVENIR DE LA MÉTROPOLE PARISIENNE, jusqu’au 22 novembre, Cité de l’architecture et du patrimoine, Palais de Chaillot, 1, place du Trocadéro, 75116 Paris, tél. 01 58 51 52 00, tlj sauf mardi 11h-19h, jeudi jusqu’à 21h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°303 du 16 mai 2009, avec le titre suivant : Un Grand Paris consensuel

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