Exposition

Un point, c’est tout

La Fondation de l’Hermitage propose un regard d’ensemble sur le Pointillisme

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 16 janvier 1998 - 676 mots

Un point, puis un autre, puis un autre…, la méthode monomaniaque du Néo-impressionnisme pourrait se résumer ainsi. La Fondation de l’Hermitage à Lausanne entend montrer qu’une relative variété se cache derrière cette technique répétitive, en présentant quelque cent tableaux et dessins provenant de collections publiques et privées suisses, européennes et américaines. Quarante-sept artistes, français, belges, hollandais et allemands, célèbres ou méconnus, sont rassemblés pour ce panorama, qui couvre une large période s’étendant de 1882 à 1917.

LAUSANNE - D’abord baptisé Néo-impressionnisme par le critique Félix Fénéon, le mouvement initié par Seurat sera aussi appelé Divisionnisme et Pointillisme. La Fondation de l’Hermitage a choisi ce dernier terme, mais en définitive, tous désignent la même manière de peindre, celle qui consiste à diviser les tons, en juxtaposant les couleurs pures au lieu de les mélanger et en laissant la fusion s’opérer sur la rétine. Élaboré entre 1882 et 1886, le style néo-impressionniste s’est répandu en Europe, dans le nord notamment, jusqu’à devenir le courant moderne dominant vers 1890. L’exposition de Lausanne souhaite rendre compte de cette dissémination en ouvrant ces cimaises à la fois aux peintres français et à leurs confrères belges, hollandais et allemands, et aussi montrer que ce mouvement ne s’est pas éteint avec le siècle qui l’a vu naître mais a perduré jusqu’à la Première Guerre mondiale. L’autre objet de “Pointil­lisme” est de proposer un regard d’ensemble sur une production souvent jugée répétitive et mettre en évidence la variété des styles. Signac, Cross et Angrand, par exemple, abandonnent rapidement une interprétation puriste des principes de Seurat et couvrent leurs toiles d’une mosaïque de larges touches. Néanmoins, l’écrasante domination des paysages dans la sélection de l’Hermitage et la technique un peu impersonnelle pourraient rendre le parcours lassant. Et à défaut du mélange optique des touches, c’est celui des tableaux qui risque de s’opérer dans l’œil du visiteur.

De Paris à Bruxelles
Le Pointillisme a fait son entrée officielle dans l’histoire de l’art en 1884, avec la présentation d’Une baignade, Asnières de Georges Seurat au premier Salon des indépendants. Paul Signac, Henri-Edmond Cross, Maximilien Luce,  Camille Pissarro et son fils Lucien, Charles Angrand et Albert Dubois-Pillet le rejoignent bientôt dans la pratique de cette technique qui exalte la couleur pure. Des impressionnistes, ils retiennent la prédilection pour le paysage, mais refusent le primat de la sensation et s’attachent à retrouver des valeurs plus classiques, privilégiant une construction rigoureuse. Ainsi, Seurat était particulièrement sensible à l’art de Piero della Francesca. La division des tons en touches de couleur pure trouve, elle, sa source dans la théorie du contraste simultané énoncée par le physicien Che­vreul, et démontre l’ambition scientifique de la peinture néo-impressionniste. Tous ces principes seront exposés pour la postérité dans le traité de Signac, D’Eugène Delacroix au Néo-Impressionnisme, publié en 1898.

Fondé sur une technique contraignante mais facile à assimiler, le Pointillisme était destiné à une large diffusion. La Grande Jatte de Seurat, exposée en 1887 à Bruxelles à l’invitation du Groupe des XX, enthousiasme les peintres belges Théo Van Rysselberghe, Willly Finch, Georges Lemmen, Henry van de Velde – le futur architecte – et donne le signal de l’expansion européenne du mouvement. Ce sera ensuite au tour des Hollandais (Jan Toorop, Hendrick Pieter Bremmer, Johannus Aarts, Jan Vijlbrief) et des Allemands (Paul Baum, Christian Rohlfs) d’être séduits par ce courant pictural. Plus tard, de futurs pionniers de l’art moderne comme Matisse, Kan­dinsky, Mondrian, Delaunay et Klee feront leurs premières armes dans le Néo-impressionnisme, montrant ainsi le rôle majeur de ce mouvement dans l’émancipation par rapport au réel et la conquête d’une peinture pure. Toutefois, cet aspect n’est pas abordé par l’exposition suisse, qui entend plutôt faire découvrir un large pan de la création éclipsé par la gloire de Seurat et Signac, telles que les œuvres d’Angrand, Dubois-Pillet, Hippolyte Petitjean ou Achille Laugé.

POINTILLISME, SUR LES TRACES DE SEURAT, du 23 janvier au 1er juin, Fondation de l’Hermitage, 2 route du Signal, 1000 Lausanne 8, tél. 41 21 320 50 01, du mardi au dimanche et les lundis fériés de 10h à 18h, le jeudi jusqu’à 21h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : Un point, c’est tout

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