Galerie

Les femmes s’entêtent

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2009 - 479 mots

PARIS

Alors que le Centre Pompidou réaccroche ses collections à partir du 27 mai en donnant la parole aux artistes femmes sous l’intitulé « elles@centrepompidou », la place de ces dernières est encore à conquérir.

Voilà quelques années, dans une conversation avec une conservatrice de Beaubourg, l’artiste Jean-Marc Bustamante prétendait même que les hommes prenaient des risques plus grands que les femmes, « comme d’être détestés, d’être dans la polémique, d’être longtemps dans les champs difficiles » (sic) ! C’était gommer le travail de Gina Pane, de Marina Abramovic ou d’Orlan… Le combat continue puisque la galeriste Isabelle Alfonsi, la critique d’art Claire Moulène et l’artiste Lili Reynaud-Dewar se sont insurgées, via une tribune, contre la faible représentation féminine (16 %) dans l’exposition « La Force de l’art 02 » au Grand Palais. À leur grand regret, la place assignée à la femme se révèle encore « précaire, périphérique, ponctuelle, toujours à caractère d’exception ».

Moins revanchardes
Le marché s’est calqué sur l’amnésie machiste de l’histoire de l’art. Le TOP 10 des créateurs les plus chers reste un club exclusivement masculin. Sans rivaliser avec les prix de Picasso ou Warhol, Natalia Gontcharova fut bombardée comme l’artiste femme la plus chère au monde avec le record de 4,9 millions de livres sterling (7,2 millions d’euros) chez Christie’s en 2007. Avec ses consœurs de l’avant-garde russe, elle fut prompte à digérer la modernité. Comme l’écrivent Elisabeth Lebovici et Catherine Gonnard dans Femmes artistes/artistes femmes, ces Amazones russes effectuaient « des allers-retours entre la Russie et la France, entre la pratique et la théorie, entre la peinture et les arts décoratifs, entre la création et la vie, entre gagner sa vie et la transformer ».

La fin du XXe et le début du XXIe siècle offrent un nouveau statut aux femmes. Ces dernières forment le socle de la collection des Américains Heather et Tony Podesta. Elles constituent un pan de celle de l’Italienne Patrizia Sandretto Re Rebaudengo et le cœur de la collection d’entreprise viennoise Verbund. Le féminisme adopte aussi des voies moins revanchardes. Certaines ironisent sur la condition féminine sans brandir les statistiques des Guerillas Girls. L’artiste portugaise Joana Vasconcelos montre une féminité à deux vitesses, celle du domus, avec la dentelle traditionnelle lusitanienne, ouvrage féminin par excellence, et celle d’une sexualité affirmée. Son grand cœur de Viana rouge, montré à Paris voilà deux ans à la galerie Nathalie Obadia, a même séduit le collectionneur François Pinault. Étrangement, Vasconcelos manque au futur accrochage du Centre Pompidou, tout comme Sarah Lucas, Catherine Opie ou Francesca Woodman. Beaubourg, qui ne possédait qu’un ensemble épars de films et une photo d’Orlan, a toutefois rectifié le tir en achetant en début d’année un ensemble conséquent de ses œuvres auprès de la galerie Michel Rein. L’oubli n’a pas toujours de sexe. Les lacunes des institutions, comme leurs rattrapages tardifs, frappent aussi bien les artistes hommes que femmes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Les femmes s’entêtent

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